mardi 31 décembre 2013

L’église catholique : Le plus grand acteur politique de 2013

Thierry Uwamahoro

Thierry Uwamahoro
Si on me demandait le plus grand événement politique de l’année 2013 au Burundi, je citerai la déclaration de la conférence des évêques catholiques du Burundi en rapport avec le projet de modification de la Constitution. L’église du Pape François 1er, à travers les voix toujours rassurantes et apaisantes de ses monseigneurs, est sortie du silence pour dire qu’elle était carrément et catégoriquement du côté du respect des Accords d’Arusha. Cette déclaration a changé la donne dans les calculs du Cndd-Fdd et pourrait bientôt bloquer toute voie non-consensuelle de modification de la Constitution. 

Au départ, le Cndd-Fdd avait deux voies de modification de la Constitution : l’assemblée nationale ou un referendum populaire. Si l’assemblée nationale ne pouvait pas recueillir les 4/5 de voies requises pour modifier la constitution, la voie référendaire semblait plus sûre pour que le OUI l’emporte sur le NON. Etant donné la popularité du Président Nkurunziza, l’implantation profonde du Cndd-Fdd, et la présence des Imbonerakure pour « décourager » les prêcheurs du ‘non’, 50%+1 pour la modification de la constitution semblait une promenade au parc. Vous vous rappellerez qu’Edouard Nduwimana avait d’ailleurs informé les bailleurs réuni à Bujumbura que le gouvernement burundais avait déjà calculé le budget nécessaire pour ce referendum.

Ça c’était avant l’entrée de l’église catholique dans la danse. 
Quoique géographiquement hyper-présent sur le territoire burundais, le Cndd-Fdd sait très bien qu’il dispose moins de permanences que les cathédrales, paroisses, succursales et autres yagamukama de l’église catholique. Allez à l’encontre de l’église catholique pourrait être un suicide politique, surtout quand le message véhiculé par les évêques est un message de PAIX : garder les Accords d’Arusha car ils sont les seuls à garantir la paix tant chèrement acquise. Le Cndd-Fdd pouvait s’en foutre des propos de l’ADC et de la société civile. Mais avec l’église catholique, la donne change tout simplement, et complètement. Si le Cndd-Fdd tentait de forcer et qu’il perdait le referendum, ça serait une douche froide qui aura même des répercussions sérieuses pour 2015. L’apparence (fondée ou non) du Cndd- Fdd comme parti politique imbattable disparaitrait avec la rosée du lendemain du referendum. Or, il faut garder cette apparence.

Ainsi, il n’y a que la voie de l’assemblée nationale qui reste. Là-bas, le Cndd-Fdd doit conjuguer avec les autres groupes parlementaires. Il n’a pas cette majorité écrasante (si pas arrogante) de bulldozer  toute opposition et de faire avaler amèrement ses propositions aux « mujeris » qui n’ont qu’à aboyer quand la caravane à l’aigle noire passe.  Quatre voix protègent le consensus du 20 décembre. La force morale de l’église catholique burundaise se trouve derrière les groupes parlementaires qui cramponnent sur le respect des Accords d’Arusha pour la PAIX et la RECONCILIATION et qui détiennent les quatre voix.
D’un coup, le tout-puissant Cndd-Fdd se trouve coincé par l’église du Tout-Puissant.

Comment passer de la bourse aux prêts-étudiants


Thierry Uwamahoro

Thierry Uwamahoro pense que le passage de la bourse aux prêts-étudiants est inévitable, et il propose le moyen d’y arriver sans faire trop de dégâts :


«  Je vois un système qui fonctionnerait ainsi : le gouvernement se porterait garant de tous les crédits accordés aux étudiants. Ceci diminuerait les risques assumés par les banques et garantirait un taux préférentiel pour ces crédits. A la fin des études, chaque étudiant aura une période de grâce de 5 ans pour trouver un emploi. Ceux qui trouvent de l’emploi commenceraient à payer leurs crédits immédiatement, mais la somme à payer mensuellement ne devra pas dépasser un pourcentage donné (fixe) de leurs salaires. Un pourcentage qui ne les ruinera pas. Pour ceux qui n’auront pas trouvé d’emploi après 5 ans de recherche d’emploi active, le gouvernement payerait les banques la somme mensuelle que l’ancien étudiant devrait être en train de payer (jusqu’à ce que cet ancien étudiant trouve un emploi). La somme à payer mensuellement pourrait être calculée en utilisant le salaire moyen d’un fonctionnaire d’état ayant le même diplôme que le chômeur comme base. Le fait que le gouvernement devra payer les crédits contractés par ceux qui n’auront pas trouvé d’emplois, devra l’inciter à initier une politique sérieuse de création d’emploi ».

« L’éducation doit être une priorité des priorités »



Nestor Nkurunziza, journaliste, pense que si le gouvernement du Burundi veut supprimer la bourse, c’est qu’il n’a peut-être pas de marge de manœuvre :

« Il y a 30 ans, le Président Bagaza avait voulu changer la bourse en prêt - bourse et qu'il avait dû faire marche arrière suite à la levée de boucliers chez les étudiants. Le Président Ndayizeye a en 2003 commencé à diminuer de 30% chaque année le budget social de l'enseignement supérieur. dix ans plus tard, on veut réaliser cela. la question est : "si vous étiez le Décideur, quelle mesure prendriez - vous, sur base de quels calculs?" l'économie burundaise est - elle capable de continuer à supporter les effectifs sans cesse croissants des étudiants? en 1985, nous étions 2000 étudiants avec une bourse de 7020 francs; en 2013, ils sont plus de 17000 bénéficiant d'une bourse de plus de 32000 francs... je suis pro-pauvres, mais je me demande quelle marge de manœuvre on a aujourd'hui. »


Dr Libérât Ntibashirakandi répond qu’on devrait plutôt diminuer le train de vie des institutions pour soutenir la bourse aux pauvres :

« C’est question de choix politique et de stratégies. Oui, les effectifs augmentent mais le budget ne suit pas. Pourquoi? Plutôt que supprimer la bourse des enfants démunis, la quasi totalité, je réduirai le nombre de parlementaires, le nombre de provinces, 4 au lieu de 18, je réduirai les avantages accordés aux anciens chefs d'état, etc. Toutes les économies seraient affectées à l'éducation et à la bourse des plus démunis presque tous les enfants des paysans ».


Thierry Uwamahoro abonde dans le même sens :

« Comme disaient les fameux consultants de la campagne politique de Bill Clinton, it’s the economy stupid. Aussi longtemps que notre économie ne décolle pas, les gouvernants seront toujours poussés à faire des choix durs et impopulaires (insensés même). Le taux de croissance économique reste très faible et inférieur au taux de croissance démographique, ce qui d’ailleurs signifie que le Burundi s’appauvrit du jour au lendemain. Je crois que c’est dans ce contexte que s’explique cette suppression des bourses.

MAIS, comme l’a si bien dit le Dr Libérât, c’est aussi une question de choix. Nestor nous rappelle que cette bourse est à 32000 Fbu l’étudiant. Ce qui signifie un coût total d’autour de 4 million USD l’année. Curieusement, c’est autour de cette même somme que nous coûte notre fameux service national de renseignement. Aujourd’hui, plein de Burundais voteraient majoritairement OUI pour éliminer le SNR au lieu d’éliminer la bourse des étudiants. Ceci n’est qu’un exemple. On doit faire des choix et l’éducation d’un peuple doit être une priorité des priorités pour les dirigeants. D’ailleurs pour des sociétés ayant connu des injustices sociales, l’éducation est l’un des outils indispensables pour corriger les injustices du passé.

Très récemment, la banque mondiale recommandait au gouvernement du Burundi d’éliminer les exonérations inutiles. Pour citer une source plus sure, l’OBR estimait, en Septembre 2013, qu’à travers des exonérations inutiles, le trésor public perdait des revenues estimées à 24 milliards de FBu l’année; soit suffisamment d’argent pour payer les bourses de 117000 (cent dix-sept milles) étudiants! Et dire que la jeunesse des partis politiques passe le temps à s’entredéchirer…no kugemuriranira amazirantoke! Voici un terrain qui devrait les unir tous. C’est leur avenir qui est en danger. Par ailleurs, ces exonérations qui ne sont utilisées que par les plus riches des burundais (pour s’enrichir d’avantage) constituent une injustice sociale grave. C’est un transfert direct de richesse de la masse pauvre à une infime élite richissime (un point à débattre un autre jour) ».

lundi 30 décembre 2013

L’université interdite aux… pauvres



L’une des principales décisions que le pouvoir DD a prises depuis le premier jour de son mandat en 2005 est la gratuité de l’enseignement primaire. Avec la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes, cette mesure a été positivement salué par tous les publics confondus, malgré certaines critiques du coté qualité et les conditions dans lesquelles étudient beaucoup d’élèves devenus trop nombreux dans les classes.
L’école fondamentale, très critiquée, a été expliquée par ses prometteurs  comme un projet visant a professionnaliser l’enseignement de base et a permettre aux élèves qui terminent la neuvième classe de se doter d’un savoir-faire afin qu’ils puissent se créer des emplois. 

Si l’intention est bonne dans les deux cas que je viens de citer, le projet du gouvernement de supprimer la bourse aux étudiants est moins louable. Sachant les conditions de vie de la majorité des familles burundaises, on est tout a fait sur que les enfants des familles ne remettront plus les pieds a l’université si on leur coupe la bourse. Je me souviens d’une discussion que j’ai eue avec Thierry Uwamahoro, quand la décision a été prise que la majorité de ceux qui seront permis d’entrer a l’université n’auront pas droit de fréquenter l’univ publique, donc a la bourse (sur 17 000 étudiants qui vont entrer a l’université, seuls 4000 auront droit a la bourse cette année).A l ;époque, pour soutenir les étudiants pauvres qui ne pourront pas se payer les services des universités privées, je proposais qu’il y ait la création d’un prêt étudiant. Thierry Uwamahoro me répondait que les banques n’accepteront jamais de prêter aux étudiants burundais puisqu’ils n’auront pas de garantie que ceux-ci pourraient rembourser à la fin de leurs études. En effet, compte tenu de la situation actuelle des choses, l’étudiant n’a aucune garantie de trouver un emploi a la fin de ses études, et même si il trouvait, le salaire lui permettrait de vivoter, non pas de rembourser quelque prêt que ce soit. 

C’est donc avec amertume que je réalise que si une telle mesure avait été prise à l’époque où je suis entré à l’université, je n’aurais jamais mis les pieds dans un amphithéâtre. La nouvelle génération des étudiants est-elle damnée, condamnée à renoncer aux études supérieures, voire à hypothéquer leur avenir ?   Vous me répondrez que les études ne garantissent plus une vie aisée, mais tout de même ! Tous les enfants du Burundi devraient avoir l’opportunité de faire des études supérieurs.  

Comme l’a dit la journaliste de la radio scolaire Nderagakura, le maxime de mauvais gout « abize bize kera » va devenir réalité si la bourse est supprimée. De quoi enjoliver les enfants de l’élite d’hier et d’aujourd’hui, donc des "abize kare" qui pourra se reproduire à l’ infini sans redouter la concurrence des enfants des pauvres. Je n’aurais jamais cru qu’une politique anti-pauvres viendrait du gouvernement du CNDD-FDD qui pourtant fait croire qu’il est du coté des défavorisés.

jeudi 26 décembre 2013

Nos politiciens deviennent de plus en plus majeurs.



Georges Nikiza
  Répondant a notre billet sur l'ADC Ikibiri et les Assises de  Kigobe, Georges Nikiza écrit
"Dans   l’émission Abaduserukira du 14 décembre 2013,  Serges Nibizi avait invité sur les antennes de la RPA, les anciens chefs d’état : Ntibantunganya Sylvestre et, Ndayizeye Domitien ; le Président du Frodebu Nyakuri,  Jean Minani  et Ngendakumana Leonce lui-même Président de l’ADC ikibiri. Le président de la coalition est sortie de cette émission  découragé et écrasé sur le plan argumentatif  quant  à quelle est  la valeur ajoutée de n’est pas participer aux assises de kigobe que certains qualifient d’Arusha II. Les conseils de Ntibantunganya et autres  ont affaiblis l’esprit boycottiste de l’Ikibiri. La participation de l’ikibiri aux débats n’est qu’un résultat de synergies des actions d’intérêts général engagé par plusieurs acteurs. Descendre dans la rue ne n'avait  pas la raison d'être au force de la logique.

De surcroît, plusieurs réunions multiformes au sein et en dehors de l’ADC Ikibiri ont été organisées et ténues  pour convaincre les membres de cette coalition de ne  pas gâcher la  seule  occasion  qui leur  est offerte pour légitimer la probable  descente dans les rues. Selon nos sources, les sages de toutes les parties politiques, la société civile et autres forces vives de la nation ont bien supplié par écrit ou par téléphone,  la coalition de bien vouloir participer aux débats à kigobe.

Aussi, l’expérience de 2010 a servi à structurer au mieux le comportement de l’ikibiri.   Il est vrai que de se retourner, c'est de voir claire dans les décisions  au passé, mais l’avenir ne peut être que meilleur avec une petite lueur du passé pour ne pas prendre les même embuches dans le futur. Pour ne dire que les quatre vérités que le boycotte des élections générales de 2010  par l’opposition a mis au claire les conséquences de certaines décisions politiques.

 
La participation aux débats par l’ADC Ikibiri  n’est pas grâce aux évêques catholiques «  seulement » mais multiples acteurs.  Cette participation montre, à cet effet, que peu à peu nos politiciens deviennent de plus en plus majeurs".

Comment les évêques catholiques ont sauvé l’ADC Ikibiri



Seul l’appel des évêques catholiques a convaincu l’ADC Ikibiri à participer aux Assises de Kigobe.

Nous ne savons pas encore quelles seront les répercussions des Assises de Kigobe sur la révision de la Constitution. Mais nous savons que les évêques catholiques y ont joué un grand rôle. Ce sont eux qui ont convaincu l’ADC Ikibiri à participer dans ces assises autour de la révision de la Constitution. 

En effet, l’ADC Ikibiri avait menacé de ne pas participer aux assises de Kigobe. Prétexte : ils n’avaient pas confiance dans la bonne volonté des députés qui avaient voté pour des lois restrictives telles que la loi sur la presse et le projet de loi sur les organisations de la société civile. L’adc Ikibiri avait décidé d’appeler les citoyens à descendre dans la rue si le projet de révision de la Constitution n’était pas retiré de l’Assemblée nationale. Les différentes associations de la société civile ont beau conseiller la coalition de l’Opposition de saisir l’opportunité de dialogue offerte par l’assemblée nationale, l’ADC était resté sur sa position jusqu'à ce que les confessions religieuses s’en mêlent. C’était surprenant qu’a la fin des Assises de Kigobe, l’ADC Ikibir a été la première à féliciter « sincèrement » le président de l’Assemblée nationale d’avoir organisé ces Assises. Leonce Ngendakumana devrait aussi remercier le conseil des eveques et tous ceux qui l’ont conseillé de saisir l’opportunité de dialoguer.
L’ADC Ikibiri pouvait sans aucun mal ignorer les conseils des associations de la société civile, étant donné les relations ambigües que ces acteurs politiques entretiennent avec les activistes sociaux.  En effet, l’opposition accuse souvent les activistes de la société civile de servir de garantie de «démocraticité » au  régime autoritaire de Bujumbura. 

Mais les évêques jouissent d’une telle autorité morale, que l’ADC a accepté de participer aux assises de Kigobe « pour ne pas perdre la face ». Si l’ADC Ikibiri n’avait pas écouté les conseils, il aurait répété l’erreur commise en 2010 quand il a boycotté les élections.  Il aurait passé pour une force « négative » qui ne veut pas le dialogue (objection que l’opposition fait souvent à l’endroit du gouvernement) et l’arroseur serait arrosé. Il se serait décrédibilisé et devant la communauté internationale, et devant les citoyens burundais. 

Grace aux conseils des Evêques, l’ADC a pu sauter ce piège. Les assises de Kigobe ont eu lieu, l’opposition y a participé et a soumis ses propositions, certains points ont requis l’unanimité et d’autres non. Maintenant la balle est dans le camp du pouvoir (Assemblée, Senat et Gouvernement). C’est ce qu’ils feront des dispositions qui n’ont pas fait l’objet de consensus que la bonne foi de ces institutions sera jugée.