Ce billet a été composé le premier mai 2014 a l'occasion de la Journée Mondiale du Travail.
Bonne
fête aux bienheureux qui ont du travail. Car le travail est devenu dans
ce pays un bien aussi rare et inaccessible que l or. Pour la majorité
des jeunes Burundais tiraillés par le chômage, c’est une journée
dépourvue de sens comme les autres jours de l’année. Le plus grand
danger pour le Burundi n’est ni les Imbonerakure ni un quelconque
génocide, mais le chômage des jeunes et la misère des paysans.
Les jeunes sans travail sont coincés entre l’enclume et le marteau. Il y
a la Banque Mondiale qui empêche le gouvernement à embaucher dans un
pays où tout reste à faire. Comme le dit Monseigneur Simon Ntamwana dans
son livre. Soit les serviteurs de la vie, « Je ne peux plus comprendre
la communauté internationale qui, d’un coté nous aide à acheminer vers
la paix, et de l’autre est incapable de nous aider à répondre aux
problèmes qui ont provoqué la crise que nous vivons. L’école est parmi
les difficultés, les problèmes qui ont révolté beaucoup de Burundais ».
C’est paradoxal de trouver que plusieurs écoles manquent d’enseignants
alors que plusieurs générations de lauréat de différentes écoles et
instituts pédagogiques passent des années sans emploi. Comment expliquer
qu’il y ait des médecins sans emploi alors que l’un des pays qui ont le
moins de médecins par habitant ? Comment expliquer qu’il y ait des
Ingénieurs sans emploi alors que tout reste à construire ?
Il y a un
bavardage déroutant autour de l’ « entrepreneuriat ». On demande aux
jeunes qui n’ont qu’un bout de diplôme de créer eux-mêmes du travail, de
créer des entreprises alors que nos bourgeois, qui ont bien ou mal
accumulé des ressources, en sont incapables. Je pense qu’il y a une dose
d’hypocrisie autour de ce bavardage. Tant mieux s’il y a des jeunes qui
se débrouillent bien et parviennent à se créer leur business et
prospérer, mais le commun des jeunes mortels ont toujours besoin de
trouver un job, et les dirigeants du pays ont la responsabilité de
répondre aux doléances des jeunes citoyens.
Vu que l’État
n’embauche presque plus, il a la responsabilité d’améliorer le climat
des affaires pour attirer les capitaux étrangers. Mais notre pays étant
parmi le plus corrompu, nos élites sont plus occupées à s’engraisser
qu’à améliorer quoi que ce soit. La politique ne se limite plus qu’a la
politique du ventre.
Alors que les jeunes et les pauvres sont
abandonnés à eux-mêmes, le débat politique burundais est dominé depuis
les Accords d’Arusha par le souci du partage du pouvoir et la lutte pour
les libertés politiques- liberté d’expression et d’association.
Personne ne se pose la question fondamentale : partager le pouvoir pour
quoi en faire ? Dans quelle mesure le petit peuple, les paysans et les
chômeurs se retrouvent-ils dans ces deux faces de l’« idéologie
dominante »? Ne sont-ils pas des oubliés des « droits de l’homme » ?
Loin de moi l’idée de minimiser l’importance des Accords d’Arusha et du
partage du pouvoir dans un pays où l’exclusion a été l’une des causes
des différentes crises que nous avons connues. Mais on ne peut se
contenter d’aussi peu. Il faut aller, comme dirait encore l’archevêque
de Gitega, jusqu’aux « vrais critères de la Justice sociale ». Nous
devons exiger que l’amélioration des conditions de vie de notre
population soit au centre du débat et de l’action politique.
Loin
de moi aussi l’idée de minimiser l’action louable des défenseurs des
droits de l’homme dont je fais partie. Mais la défense des droits de
l’homme ne pourrait se limiter à la liberté d’expression. Aucune cause
ne vaut la peine d’être défendue pour les ventres affamés. Allons
jusqu’au bout de la logique et défendons les droits sociaux élémentaires
(manger, boire, s’habiller, se loger, se soigner…) aussi énergiquement
que nous défendons le droit d’expression.
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