vendredi 2 mai 2014

Où est mon travail?

Ce billet a été composé le premier mai 2014 a l'occasion de la Journée Mondiale du Travail.

Bonne fête aux bienheureux qui ont du travail. Car le travail est devenu dans ce pays un bien aussi rare et inaccessible que l or. Pour la majorité des jeunes Burundais tiraillés par le chômage, c’est une journée dépourvue de sens comme les autres jours de l’année. Le plus grand danger pour le Burundi n’est ni les Imbonerakure ni un quelconque génocide, mais le chômage des jeunes et la misère des paysans.

Les jeunes sans travail sont coincés entre l’enclume et le marteau. Il y a la Banque Mondiale qui empêche le gouvernement à embaucher dans un pays où tout reste à faire. Comme le dit Monseigneur Simon Ntamwana dans son livre. Soit les serviteurs de la vie, « Je ne peux plus comprendre la communauté internationale qui, d’un coté nous aide à acheminer vers la paix, et de l’autre est incapable de nous aider à répondre aux problèmes qui ont provoqué la crise que nous vivons. L’école est parmi les difficultés, les problèmes qui ont révolté beaucoup de Burundais ». C’est paradoxal de trouver que plusieurs écoles manquent d’enseignants alors que plusieurs générations de lauréat de différentes écoles et instituts pédagogiques passent des années sans emploi. Comment expliquer qu’il y ait des médecins sans emploi alors que l’un des pays qui ont le moins de médecins par habitant ? Comment expliquer qu’il y ait des Ingénieurs sans emploi alors que tout reste à construire ?
Il y a un bavardage déroutant autour de l’ « entrepreneuriat ». On demande aux jeunes qui n’ont qu’un bout de diplôme de créer eux-mêmes du travail, de créer des entreprises alors que nos bourgeois, qui ont bien ou mal accumulé des ressources, en sont incapables. Je pense qu’il y a une dose d’hypocrisie autour de ce bavardage. Tant mieux s’il y a des jeunes qui se débrouillent bien et parviennent à se créer leur business et prospérer, mais le commun des jeunes mortels ont toujours besoin de trouver un job, et les dirigeants du pays ont la responsabilité de répondre aux doléances des jeunes citoyens. 


Vu que l’État n’embauche presque plus, il a la responsabilité d’améliorer le climat des affaires pour attirer les capitaux étrangers. Mais notre pays étant parmi le plus corrompu, nos élites sont plus occupées à s’engraisser qu’à améliorer quoi que ce soit. La politique ne se limite plus qu’a la politique du ventre. 


Alors que les jeunes et les pauvres sont abandonnés à eux-mêmes, le débat politique burundais est dominé depuis les Accords d’Arusha par le souci du partage du pouvoir et la lutte pour les libertés politiques- liberté d’expression et d’association. Personne ne se pose la question fondamentale : partager le pouvoir pour quoi en faire ? Dans quelle mesure le petit peuple, les paysans et les chômeurs se retrouvent-ils dans ces deux faces de l’« idéologie dominante »? Ne sont-ils pas des oubliés des « droits de l’homme » ?


Loin de moi l’idée de minimiser l’importance des Accords d’Arusha et du partage du pouvoir dans un pays où l’exclusion a été l’une des causes des différentes crises que nous avons connues. Mais on ne peut se contenter d’aussi peu. Il faut aller, comme dirait encore l’archevêque de Gitega, jusqu’aux « vrais critères de la Justice sociale ». Nous devons exiger que l’amélioration des conditions de vie de notre population soit au centre du débat et de l’action politique. 


Loin de moi aussi l’idée de minimiser l’action louable des défenseurs des droits de l’homme dont je fais partie. Mais la défense des droits de l’homme ne pourrait se limiter à la liberté d’expression. Aucune cause ne vaut la peine d’être défendue pour les ventres affamés. Allons jusqu’au bout de la logique et défendons les droits sociaux élémentaires (manger, boire, s’habiller, se loger, se soigner…) aussi énergiquement que nous défendons le droit d’expression.

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