Mon billet
du 8 juin, Eviter
la guerre, vient d’être republié par Waza Afrique. J’y proposais de tout
faire pour éviter que le Burundi retombe dans une nouvelle guerre.
Cet article
a été publié quelques jours avant les premières élections. Les manifestations
contre le troisième mandat étaient en train de s’essouffler. Les politiciens de
l’opposition hésitaient. Tout le monde savait que les manifestations ne
pouvaient pas continuer longtemps, la plupart de leurs organisateurs étant
partis en exil, d’autres en prison. Personne ne savait quoi faire. Deux options
se dessiner à l’horizon : les élections ou la lutte armée.
Évidemment,
je ne croyais pas, et je ne crois toujours pas aux bienfaits des armes. Donc je
proposais les élections. Même si elles étaient mal organisées, avec une
Commission électorale loin d’être consensuelle, je me disais que la voie des
urnes était le moindre mal.
L’article a suscité
un grand débat, avec des réactions poignantes notamment de Ketty Nivyabandi,
Maitre Cyriaque Nibitegeka ou encore Angelo
Arakaza, qui tous étaient en désaccord avec moi. Pour eux, aller aux élections
signifiait légitimer le troisième mandat.
Qu’est-ce que nous avons eu en fin de
compte ?
Les deux. De
mauvaises élections, et une lutte armée de nuit dans les quartiers contestataires.
On a eu
aussi des attaques ciblées, « chirurgicales » contre des personnalités
civiles, politiques ou militaires influentes : le Général Adolphe Nshimirimana,
l’ancien chef d’État Major Jean Bikomagu (l’Adolphe tutsi du milieu des années
90 comme on dit), le défenseur des droits de l’homme Pierre Claver Mbonimpa
qui, lui, Dieu merci, a survécu, pour ne citer que quelques cas. D’autres
innombrables anonymes sont assassinés chaque jour, des militants des partis
d’opposition pour la plupart, mais aussi des membres du parti au pouvoir.
Aujourd’hui,
c’est la peur dans tous les camps. Si un homme aussi puissant que le Général Adolphe a pu être assassiné en
plein jour, n’importe qui d’autre, aussi puissant soit-il, peut subir le même
sort, qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition. On sait que le serpent qui a
peur, a tendance à attaquer le premier.
Chaque fois
qu’il y a une personnalité ou un militant assassiné, je suis sûr que tout le
monde se demande : qui est le suivant ? Et chacun craint qu’il soit
le suivant, tout en espérant qu’il ne le sera pas.
Ce pays est
en train de mourir, mais nous savons qu’il ressuscitera un jour. Ce que nous
ignorons, c’est que nous serons encore vivants quand il ressuscitera.
Nous avons
déjà passé par là. Nous avons passé par une guerre sanglante pendant plus d’une
décennie, mais tous n’en sont pas morts. Ce qui ne veut pas dire que la
situation que nous traversons aujourd’hui est normale. Elle ne l’est pas, et
tous ceux qui le peuvent doivent nous aider de sortir de ce mouroir. Et notre
salut dépendra surtout du leadership politique de tous les bords.
Si tous comprenaient
que la guerre n’est pas une solution, on pourra retrouver la paix, et le plus
vite sera le mieux.
Nous
n’aurons pas de paix si ceux qui ont fui le pays ne sentent pas que le Burundi
est en sécurité pour qu’ils reviennent. Et ils ne reviendront pas si ceux qui
sont dans le pays continuent d’être persécutés, assassinés ou emprisonnés. Et
souvenons-nous de notre histoire récente : chaque fois qu’il y a eu des
flux de centaines de milliers de réfugiés dans les pays voisins, il y a
toujours eu une rébellion armée à partir
d’un pays voisin. Il ne faut pas croire que cette fois-ci sera une exception.
Il n’y aura
pas de paix s’il n’y a pas de liberté d’expression dans notre pays. Il faut impérativement
que les radios qui ont été détruits, Isanganiro, Bonesha, RPA, Rema Fm, il faut
que tous ces radios soient permis de travailler et de donner la parole aux
citoyens. Sinon, une partie importante de la population se sentira étouffée, et
tentera de se « libérer » par des moyens que nous ne pouvons pas prévoir.
Enfin,
nous n’aurons pas de paix si les prisonniers politiques ne sont pas libérés.
Tous ces milliers de jeunes gens qui ont été arrêtés dans les manifestations
sont des prisonniers politiques.
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