Didi Didier |
Par Didi Didier
Businde,
petite colline perdue au Nord du Burundi vient de devenir la cible des medias
du Burundi en général et des medias régionaux en particulier. Cette médiatisation
relève de l’un des événements les plus sanglants affectant immédiatement
l’Eglise Catholique du Burundi après l’assassinat à Kiremba des deux sœurs
missionnaires dans la province de Ngozi, fin d’année 2011. Faut-il aussi rappeler
que le Burundi a déjà versé le sang de deux Evêques (Joachim Ruhuna et Michael Aidan
Courtney) dans la crise qui a secoué le Burundi (1993-2003)
Nul ne peut
rester indifférent ou silencieux face à une folie meurtrière qui a emporté la
vie d’enfants et de femme en général
dont la seule faute était de braver l’interdiction publique de prier sur la
colline de Businde, colline où la Vierge Marie aurait apparu à une certaine Eusébie.
Au départ
le culte était en accord avec l’Eglise Catholique dont Eusébie se réclame
membre (aujourd’hui elle est en cachette). Mais la dérive (doctrinale ou théologique)
des pèlerins de la colline Businde (un sanctuaire catholique y avait déjà été élevé)
a provoqué la condamnation de l’Eglise et le
culte de Businde tomba sous interdiction ecclésiastique.
Personne ne
peut le douter, pour que cette
interdiction soit effective, l’Eglise Catholique demanda main-forte de la part des dirigeants. Dans le
souci de ne pas fâcher l’Eglise majoritaire au Burundi, ceux-ci n’ont pas tardé
à malmener les gens qui venaient prier à Businde. Cela alla de la destruction
du sanctuaire et des emprisonnements arbitraires jusqu'à la l’installation permanente d’une position de sécurité occupée par des policier armes de kalachnikovs à l’endroit du sanctuaire . Ce zèle exagéré des membres de l’exécutif a été à maintes reprises décrié
par la société civile, condamnant l’intervention partiale des
gouvernants d’un pays laïc dans une affaire religieuse.
Cet
acharnement ne découragea pas ceux qui avaient reçu le message d’Eusébie. Il
fallait revenir prier sur la colline de Businde le 12 de chaque mois. Mais le
matin du 12 mars 2013 se révélera fatal
pour les adeptes d’Eusébie : le bilan actuel est de 10 morts et une dizaine de blessés
dont 2 policiers selon les informations officielles. Pour un petit rappel, le
matin du drame verra le ministre de l’intérieur et celui de la sécurité publique
atterrir sur le site de Businde. Devant les morts et les blessés, ils rendirent
hommages au policiers qui ont tué et blessé des pèlerins excités à la cervelle lavée. Le mouvement Eusébie a été comparé au mouvement d’extrémistes d’islamistes
nigérians (Boko haram) qui a déjà tué des milliers de chrétiens et brulé une
centaine d’églises. Personne ne put retenir son émotion, l’arrogance était à
son comble. Rappelons que l’un des ministres est natif de cette colline.
L’église
catholique du Burundi a fait une réaction très tardive et trop froide. Les
paroles de condoléances de l’évêque adressées aux familles en deuil et aux fidèles
catholiques n’étaient pas du tout convaincantes. Je n’ai pas vu les larmes d’un père qui pleure la mort simultanée des ses fils et de ses filles. [IISam.18:9 ;18:32-33]
La justice déterminera
si oui ou non cette interdiction de
prier sur la colline de Businde est en accord ou pas avec la constitution du
Burundi qui garantit la liberté de culte. Au delà de l’émotion, posons les
questions sur les raisons, qui, une foi
de plus a poussé des policiers chargés de la sécurité à commettre l’irréparable
et endeuiller le Burundi. Pire encore, ils ont reçu des ovations de la part de
leurs supérieurs, une chose qui a provoqué l’irritation de la majorité de la
plupart des acteurs politique au Burundi.
Une
compréhension plus profonde de la conception du pouvoir par l’âme murundi peut
nous aider à sonder ce qui a conduit au drame d’une telle ampleur. Les
dirigeants actuels comme ceux qui étaient au pouvoir dans le passé ne font
aucune attention à la loi. La seule chose qui importe n’est que rester dans les
bonnes grâces de ses supérieurs. Excepté la peur de fâcher ses supérieurs,
l’exercice du pouvoir ne doit sa limite qu’ à la conscience du dirigeant. Rien
ne peut nous étonner, la plupart des lois édictées au Burundi ont été rédigées
dans des pays lointains dont la culture nous reste étrangère. Le Burundais ne
veux pas faire sien le respect de la loi. Nous préférons des arrangements, des
soumissions dans le silence. L’égalité n’est avouée qu’à la radio et à la télé.
Certains parmi les citoyens se sentent supérieurs. La mise en question d’un ordre d’un supérieur
est perçue comme une insubordination. La démocratie se conçoit comme une façon
pacifique dont les élites se succèdent au pouvoir. Très peu de ceux qui sont au
pouvoir savent qu’ils sont au service du peuple et non le peuple à leur
service. Le Burundais dans son fort intérieur voit
l’exercice du pouvoir à la même façon qu’il était exercé sous la royauté. Se conformer à la loi est vu
par les burundais comme rigidité si ce n’est pas méchanceté ou dans le cas
contraire de la générosité. Au Burundi, nous avons tendance à remercier celui
qui a bien fait son service (publique) même si il est payé par les taxes que donnent les citoyens.
Ceux qui possèdent
les armes pour défendre la nation des agressions étrangères ou pour assurer la sécurité intérieure du
pays se voient emporter dans les airs. La plupart des policiers et des
militaires au Burundi ont du mal à croire que se sont des citoyens comme les
autres. Ne pas se soumettre aux ordres qu’ils vous intiment peut vous couter la vie. L’unité nationale ou le
sentiment d’appartenance à une même nation est presque inexistant. Même ceux
qui vont à la même église se haïssent. Au sommet de ce constat, malgré
l’enseignement chrétien de l’amour et du respect de la vie, la sacralisation de
la vie n’est pas dans la culture burundaise. Des gens peuvent se réjouir de la
mort des autres. Très peu de gens manifestent l’indignation devant la torture
et la souffrance causée par ceux qui ont le pouvoir.
Les habitants de notre pays devraient
organiser des débats publics et réclamer
une justice exemplaire contre les dirigeants qui abusent de leur pouvoir. Si un ministre me donne un ordre – par écrit
ou verbalement, est- il normal que n’est pas l’exécuter peut me couter la vie
ou une détention sans avis des officiers de la justice? Dans quel pays
vivons-nous ?
Ce qui s’est passe à Businde est une démonstration
de la brutalité dans la manière de l’exercice du pouvoir au Burundi. En tant que
chrétien catholique, se reconnaissant dans la spiritualité mariale et citoyen
du Burundi, je condamne fermement ces
actes de barbarie commis par de gens chargés d’assumer la sécurité de la population. Je remets à Dieu ces
ministres qui ont chanté des louanges à
ceux qui ont tué des pèlerins tout en
leur rappelant qu’ils ne pourront jamais
se laver de leurs propres mains le sang
des martyrs qu’ils ont crées eux-mêmes par leurs paroles s’ils ne demandent pas
pardon avec sincérité.
Je sais que
certains parmi mes lecteurs diront que je ne suis pas habileté à déterminer le
sort de ceux qui se réjouissent de la mort et la souffrance des autres, mais je
doute que l’arrogance et l’orgueil de ces ministres leur permettra de reprendre
le micro pour demander pardon et sentir la douleur que leurs subordonnées ont causé
aux familles des pèlerins de Businde, à leurs compatriotes Burundais qui
attendaient d’eux une protection.
Une fois
encore faut-il le rappeler « Chaque
visage est un miracle, parce qu’il est unique »- Tahar Ben Jelloun. Personne ne peut remplacer ceux
qui sont morts. La vie est sacrée, celui qui maudit ce que Dieu a bénit
lui-même sera maudit, celui qui détruit ce que Dieu a érigé, Dieu lui-même le
détruira. La vie est un don de Dieu, chacun de nous devrait œuvrer pour sa
protection et son épanouissement.
L’avènement
du pouvoir actuel avait suscité beaucoup d’espoir, le président Pierre Nkurunza
a fait un geste humanitaire en abolissant la peine de mort au Burundi. Par la
suite sont silence face aux actes de violences qui se sont produits durant la période
de son pouvoir, des violences qui ont emporté
beaucoup de vies humaines, sa non-réaction après le massacre de Businde fait
penser que son geste, au départ cru comme humanitaire a été motive par d’autres
raisons . L’hypothèse que je peux émettre consiste en un geste économique plutôt
qu’humanitaire. L’abolition de la peine de mort a sans doute permis au pouvoir
de gagner des aides financières de la part des pays Européens qui sont par majorité
abolitionniste de la peine de mort.
Si la mort
des pèlerins de Businde avait peiné le président de la république, il se serait
exprimé à la radio et aurait demis de
leurs fonctions les ministres qui ont osé narguer les morts, les blessés et les
familles en douleur le jour du drame. D’ailleurs, le fait que ces ministres
n’ont pas remis leurs postes montre la solidarité reçue de la part de leur chef
et le faitqu’ils ne sont pas désolés de leurs paroles adressées le jour du drame signifiant ainsi que la mort
violente provoquée par leurs subordonnés est une chose banale.
Espérons
que la mort des pèlerins de Businde permettra une nouvelle approche dans la
relation “population civile- policiers”. Le respect de la vie dans une société
est un combat que chacun de nous doit prendre comme le sien. Notre volonté de
vivre sur un terre pacifique et de liberté ne se réalisera que le jour le
dirigeant et le diriges se sentiront comme des citoyens d’une même République
avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, des enfants d’un même Dieu appelés
vivre et travailler ensemble pour le meilleur des générations futures.
Entre autre, je demande aux responsables politiques du Burundi de
laisser les gens se rassembler pour la prière du 12 de chaque mois sur la colline de Businde. Le fait que
l’Eglise Catholique n’a rien à faire dans ces genres de prières ne les rendent pas illégales ou
source d’insécurité pour le reste de la population du Burundi. Hommage à ceux qui sont tombés sous les balles
d’une police guidée par des aveugles. Que
le sangs des martyrs de la belle colline de Businde arrose et fait grandir les esprits des hommes militants pour la liberté et l’égalité. Je me joins aux
familles endeuillées.
DIDI Didier
Université Technique d’Etat de Tver
Faculté
de l’informatique et des
Technologies de l’information
bravo, très bon article, je trouve!
RépondreSupprimerBusinde, c'est aussi l'image d'un peuple qui cherche toujours des repères. Un peuple fragile qui traverse le désert et qui a besoin d'une boussole en bon état. Un peuple qui a soif; qui veut comprendre... construire son identité. Aussi, un peuple qui n'aime pas les barrières, qui fonce à tout prix...; C'est aussi l'image d'un peuple pour lequel la violence est une réalité toujours vive, très présente dans la société. La victime le sait d'avance, le "victimeur" le sait aussi; il suffit d'un rien pour que la cité s'endueille [je crois vraiment que les uns et les autres, les tireurs et les "tirés" auraient pu trouver un terrain d'entent].
Businde, Dieu qui se cache? L'homme qui cherche mal? Le ciel qui se tait? La loi qui ferme les oreilles?
Businde, une séquence d'un long métrage sur laBurundi, une séquence où s'exprime la douleur d'une nation dans des syntagmes variés: les doutes d'un peuple, la soif de trouver la Solution. Une séquence où se lit une longue histoire de violence qui ne finit pas de quitter le coeur des villageois.