Depuis que les
partis politiques de l’opposition ont “démissionné” suite aux élections de
2010, les activistes réunis dans les associations de la société civile sont
devenus plus visibles, trop visibles aux yeux du pouvoir. Ne convoitant pas le
pouvoir, ils ont jusqu'ici été relativement tolérés et ne ratent aucune occasion de dénoncer ce qui ne
va pas ou qui va mal, de la corruption aux assassinats politiques. Mais cette
voix alternative est devenue insupportable, incontrôlable, indocile. Ils
parlent trop ces activistes, mais nos dirigeants détestent des voix discordantes.
Et le grand problème, c’est qu’ils sont perçus comme des partenaires sérieux
par les ONG internationales et autres bailleurs de fonds qui dans certains
domaines préfèrent faire confiance aux associations plus qu’au gouvernement
étant donné que celui-ci est à plusieurs égards gangrenés par la corruption.
Ces organisations semblent donc devenues le principal concurrent du
gouvernement. Le moment semble donc venu de les faire taire.
Le ton a été
donné par le ministre de l’Intérieur Edouard Nduwimana lors d’une rencontre
entre ce dernier et les représentants de ces ONG ce vendredi 08 février. Ce
ministre et certains partis ont décidé que les associations se mêlent trop des
affaires politiques et qu’ils risquent de déstabiliser les élections de 2015.
Sur quelle base repose cette accusation, personne ne sait. A ce que je sache,
ce ne sont pas les associations qui ont mis Hussein Radjabu en prison ou poussé
les leaders des partis de l’opposition à l’exil. Ce ne sont pas les assos qui
ont truqué les élections de 2010 non plus. Comment alors s’immiscent-ils des
affaires politiques ? Je poserai la question à Edouard Nduwimana si je le
rencontre un jour.
Apres avoir
décidé que les ces assos poursuivent des intérêts politiques (quels
intérêts ?), le ministre les a prévenues qu’ils devront en « assumer
les conséquences », et qu’ils ne devraient pas « être surpris s’il
les traite différemment ». Qu’est-ce que cela veut dire ?
C’est-à-dire
qu’il va les traiter comme il traite les partis politiques, ce qui revient à
dire que ces activistes et leurs associations vont subir la répression que
subissent les partis politiques de l’opposition. Il y a plusieurs scenarios. Il
peut effacer les plus encombrants à ses yeux (Forsc, Parcem, Olucome, Focode,
Aprodh, Ligue Iteka…) du moment où il ne les considère plus comme
« apolitiques ». Il peut les
empêcher de se réunir comme il le fait avec les partis de l’opposition. Enfin,
ils peuvent subir des menaces (ce qui est déjà le cas) jusqu'à jeter l’éponge
et s’exiler, et dans les situations les plus radicales certains peuvent se
faire assassiner par des malfaiteurs mystérieux que les enquêteurs ne
trouveront jamais. N’est-ce pas ce qui est arrivé à beaucoup de militants des
partis de l’opposition depuis 2010? Le pire n’est à exclure même si nous
devons espérer le meilleur. Voila ce qui attend donc les associations les plus
indociles de la société civile.
La vraie menace
contre les élections de 2015 et dont le Ministre de l’Intérieur ne semble pas
se soucier, c’est la violence entretenue par certains agents de sécurité (ou
d’insécurité) ou des renseignements et des milices des partis politiques dont
la plus puissante est celle du parti au pouvoir CNDD-FDD, les fameux
Imbonerakure. La vraie menace, c’est l’exclusion qui empêche les citoyens de
jouir de leurs pleins droits. La vraie menace contre les élections de 2015, c’est
la tricherie et la falsification,
pratiques courantes dans les républiques bananières. C’est de ces pratiques honteuses
qu’il faut s’attaquer, au lieu de s’acharner sur des associations qui luttent
pour la justice et la dignité humaine.
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