Hier,
j’ai regardé, avec 20 ans de retard, le premier long métrage réalisé par un
Burundais, Gito l’Ingrat. C’était le
premier film burundais que je regardais. J’ai regretté de ne pas l’avoir plus
tôt, j’aurais peut-être pu anticiper les surprises qui attendent les fameux
revenants de continents lointains que nous sommes, et qu’on appelle communément
ici les come from.
Je
vous fais un peu le résumé. Un jeune
burundais étudiant en Europe vient de décrocher son diplôme en droit
international. Là-bas, il faisait de petits boulots, comme tous les Negres. Il
était précisément couturier. Apres avoir décroché son diplôme, il revoit ses
ambitions a la hausse. Il vend sa machine à coudre. Il décide de rentrer au
Burundi. Au pays, il serait au moins ministre. Un diplômé en droit international
n’est pas fait pour faire n’importe quoi, se dira-t-il. Il promet a sa copine
blanche qu’il l’appellera dans quelques semaines pour qu’elle le rejoigne au
Burundi, quand tout sera en ordre (quand
il sera déjà nommé ministre ?), « maximum dans un mois ».
Le
voila atterri à Bujumbura. Plein d’ambition. Il vient de Paris. Rapidement, ses
illusions tombent à l’eau. Il dépose son
dossier dans tous les ministères, où il trouve des piles de milliers de
dossiers en attente. D’ailleurs, les ministères ont eu la consigne de ne plus
recruter. Il sollicite ses amis et oncles bien placés pour lui trouver un job,
mais rien n’y fait. On lui recommande de patienter. Patienter jusque
quand ? Comment ? Entre-temps, il est chassé de la chambre d’hôtel
qu’il louait parce qu’il est devenu insolvable. Toute chose a une fin, y
compris les dollars ramenés de Paris.
Oh la galère! Gito est sur le point de devenir un mendiant.
Finalement
sa copine blanche vient le voir au Burundi, contre le gré de Gito. Elle veut voir
ses parents de son chéri, là-bas à Jenda. Entre-temps Gito a retrouvé la fille
qu’il aimait avant de voler vers l’Europe. A défaut de pouvoir choisir entre
ses amours, il les perdra tous.
Il
est loin le temps où il rêvait de devenir ministre. Il perd la patience. Il perd la tête. Il perd
l’espoir, jusqu'à bruler son putain de diplôme. Il a tout perdu.
Depuis
que je suis revenu de Russie, j’ai vu de nombreux Gito. J’en fais partie. Bien
que je n’aie pas rêvé de devenir ministre. Mes ambitions sont réalistes, mais
rien n’est donné sous le ciel de Bujumbura, tout s’arrache. Avant de rentrer,
je craignais pour ma sécurité physique. Maintenant, 2 mois après mon
retour, je crains de ne pas trouver un
job. Ici, aucun employeur ne dit non. Comme à Gito on nous dit :
« Amène ton dossier, on verra ce qu’on peut faire ». Et le dossier s’en dort dans les tiroirs, pour
toujours. Je ne suis pas une exception, je suis plutôt la règle. Le principal
souci pour la jeunesse du Burundi est le chômage. Je connais des jeunes
diplômés qui sont au chômage depuis 3
ans ou plus. Je ne suis donc pas seul, mais ca ne me console pas.
Ce
qui est bien avec le Gito du film de Léonce Ngabo, c’est le happy end. Gito finit par retrouver ses esprits. Il
oublie son diplôme en droit international, et se souvient qu’il a des mains
dont il peut se servir. Il décide de monter un atelier de haute couture, où
tout le beau monde des quartiers chic de Bujumbura viendra faire ses achats. Il
a vu le bout du tunnel.
Sera-t-il
le cas de tous les Gito ?
Merci.
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