mardi 27 octobre 2015

Nous avons beaucoup à apprendre de la Tanzanie

Parmi les pays voisins, la Tanzanie est le seul pays qui a des choses à apprendre au Burundi en termes de démocratie.  

Oui, la Tanzanie est aussi un pays pauvre. Et oui, la Tanzanie est aussi un pays corrompu. Mais la Tanzanie est un pays stable, contrairement au Burundi, au Rwanda et à  la République démocratique du Congo. C’est un pays qui, de façon spectaculaire, est parvenue à éviter la guerre civile, alors que, ethniquement, elle est aussi hétérogène, sinon plus, que ses pays voisins, où les guerres civiles ont décimé plusieurs millions de personnes. 

Aujourd’hui, en 2015, la Tanzanie ne cesse de faire la différence. Comme le Burundi, elle est en période électorale. Contrairement au Burundi, où plus de 200 personnes sont morts suite à la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, et aux autres pays voisins, le Rwanda et la RDC, où les satrapes sont aussi prêts à se maintenir au pouvoir en 2016 en manipulant les constitutions,  Jakaya Kikwete, le président sortant de la Tanzanie est le seul à faire exception. Sa conception de mandats présidentiels est on ne peut plus claire, comme on peut le lire dans The Insider :
« J’ai été président pendant 10 ans… 10 ans sont suffisants pour un chef d’Etat, pour accomplir ses agendas. Je ne pense pas qu’un président ait besoin de plus de 10 ans pour compléter son principal agenda ». 

Le champion de l’alternance dans la région

 Il faut souligner qu’en termes d’alternance, la Tanzanie est cohérente depuis que le vieux Julius Nyerere s’est audacieusement retiré de la vie politique en 1985, après 23 ans de règne,  contrairement aux habitudes des leaders africains de l’époque, même si cette alternance se fait à l’intérieur d’un même parti.

En effet, je préfère une alternance à l’intérieur d’un même parti à un manque total d’alternance, ou à une alternance qui se fait toujours dans le sang, comme c’est le cas au Burundi.  Contrairement à une certaine opinion, nous les Africains, nous voulons la bonne gouvernance certes, mais nous voulons aussi de l’alternance. Parce que c’est le manque de possibilité de cette alternance qui fait que, en partie, nos pays soient ravagés par des guerres civiles. Je suis convaincu que, si les leaders politiques tanzaniens cherchaient à se maintenir au pouvoir comme chez nous, la Tanzanie serait aussi minée par des guerres comme chez nous. 

Alors, qu’est-ce que la Tanzanie a de spécial ? Pourquoi a-t-elle parvenu à éviter les démons qui ravagent ses pays voisins ? D’abord parce qu’elle a eu la chance d’être dirigé par homme sage, atypique, Mwalimu Julius Nyerere, à la fois catholique et socialiste, et qui a pu mettre le pays sur de bons rails. En plus parce que le socialisme adopté par Julius Nyerere, purgé des excès marxistes de « dictature du prolétariat » est un universalisme, sur lequel il est très aisé de construire les fondations d’un Etat démocratique pluriethnique. 

Alors, si nous les Burundais nous voulons construire un Etat stable et démocratique, nous devons étudier (et adopter) le modèle politique tanzanien.

lundi 19 octobre 2015

Le dialogue est incontournable



Réagissant à mon billet d’hier, Landry Muzima m’a posé cette question :
« Avez vous une autre proposition à part le dialogue?; oui mis à part le dialogue parce que les pro 3ième mandat n'en veulent pas. Vous pensez que les pro accepterons de quitter le pouvoir après avoir commis ces crimes? »
Cher Landry, je n’ai pas de solution miracle à la crise burundaise. Je doute même que le Pape ait une telle solution. 
Donc, la réponse à ta question est non. Non, je n’ai pas d’autre solution à part le dialogue (ou les négociations, au cas où il y aurait une nuance entre les deux concepts). Le dialogue, c’est la seule solution. Ou, pour être plus précis, il n’y aura pas de solution qui ne passera pas par le dialogue.  
J’ai eu l’occasion ce matin de discuter avec un ancien ministre sous Buyoya. Je lui ai posé cette question « futuriste » :
-Comment se terminera cette crise ?
Il m’a répondu :
« Il n’y a pas de solution militaire. Les uns et les autres devront revenir sur la table des négociations ».
A mon avis, il a tout dit.
Je reviens à l’inquiétude de Landry Muzima. Que le CNDD-FDD ou le CNARED le veuillent ou pas ils finiront par négocier.  Parce que cette « guerre » (oui nous sommes en guerre, sinon des centaines de milliers de Burundais ne seraient pas en exil) est ingagnable autrement. « On ne devient pas un grand général parce qu’on a tué des milliers de compatriotes », m’a dit l’ancien ministre que j’ai cité en haut. Cette sagesse est valable pour les « généraux » proches du pouvoir ou de l’opposition.
Le CNDD-FDD dit qu’il ne négociera pas avec les « insurgés » et les « putschistes ». Le président Buyoya disait la même chose à une époque. Il disait qu’il ne négocierait pas avec les « assaillants ». « La différence, c’est que Buyoya négociait en secret. Il a envoyé des émissaires à San Egidio », m’a dit l’ancien ministre. Peut-être que même maintenant ils négocient en secret, qui sait ?  
Ce qui est sûr, c’est que les « terroristes » (de tous les bords) sont des Burundais. Si on a pu négocier avec les « terroristes » d’hier, c’est qu’on peut négocier avec les « terroristes » d’aujourd’hui. 
Amaherezo y’inzira ni munzu. La fin de cette crise passera par les négociations. Alors, pourquoi prendre le chemin le plus long ? Pourquoi attendre que des milliers de gens innocents meurent, alors qu’on sait qu’on finira par s’asseoir sur la même table  ? Pourquoi ne pas commencer maintenant ?

dimanche 18 octobre 2015

Le pouvoir de nuisance



Même en France, il y a des "frondeurs" et une "Nyakurisation".
"Oubliant qu'il y a peut-être d'autres urgences, François Hollande s'imagine sans doute pouvoir empêcher, en divisant EELV, une candidature de Cécile Duflot à la présidentielle de 2017, et accéder ainsi au second tour", écrit la sénatrice Esther Benbassa.
Tout ça est normal dans une démocratie.
 Le problème au Burundi, c'est que les luttes de pouvoir s'accompagnent toujours par des sacrifices humains, surtout en périodes électorales.
Le pouvoir tue. Et l'opposition doit aussi tuer pour « montrer ce dont elle est capable ». L’assassinat est un « mal nécessaire ».
S’il doit y avoir une révolution au Burundi, c’est celle-ci : en finir avec les cycles de violence. Adopter une « politique de la vie », comme dirait le politologue camerounais Achille Mbembe.
Même si je suis contre le troisième mandat, je ne crois pas aux bienfaits de la lutte armée. Ma crainte dans la crise actuelle est que même si l’opposition à évincer Pierre Nkurunziza par les armes, elle fera comme lui : se maintenir au pouvoir par la force. En effet, quand on prend le pouvoir par la force, on cherche à le garder par la force.