par Thierry Uwamahoro
L’homme était discret.
Dans ce monde dominé par de medias audio, vidéo, sociaux, et virtuels en
propagation, l’absence ou presque de la voix de l’ancien vice-président Bernard
Busokoza dans les débats houleux ou sur des sujets brulants d’actualité aurait
pu être erronément conçue de complicité avec le camp adverse. Ce n’est qu’en
lisant les motivations derrière sa destitution que l’on comprend l’œuvre de
cette homme d’affaire réussi, devenu politicien. Loin des medias, il résistait.
Il est à parier que l’assurance et la fermeté avec lesquelles s’exprimait
dernièrement le président du parti Uprona, Mr. Charles Nditije, doivent avoir
été inspirées par l’assurance que l’occupant du fauteuil
premier-vice-présidentiel se battait entièrement pour les mêmes causes.
Il résistait discrètement.
Publiquement, il n’apparaissait pas très en contradiction avec la ligne du
gouvernement Nkurunziza. Il fallait trouver (créer) une occasion et une «faute»
publiques pour limoger le vice-président Busokoza. Il semble que le tour avait
été bien joué et la nomination de Bonaventure Niyoyankana à la tête de l’Uprona
était le dernier acte de provocation pour amener le major à réagir publiquement.
Le camp Nkurunziza savait surement que l’homme qu’ils avaient eu à côtoyer
depuis le 16 Octobre 2013 n’était pas de nature à ne pas réagir devant une
provocation et humiliation directes présentées en violation flagrante de la
loi. Aussitôt réagi, aussitôt limogé. Cette
destitution aura des conséquences, qui une fois mal gérées, peuvent retourner
le Burundi dans ses heures les plus ténèbres. Explorons certaines d’entre
elles, selon leur degré de gravissime croissant.
Si le but ultime des
machinations observées ces derniers jours ne visait que la destitution de
Busokoza, le camp Nkurunziza peut passer au desamorcement de la crise dans les
prochaines heures. Il peut renouer le dialogue avec le camp Nditije pour
négocier un nouvel occupant légitime de la première vice-présidence. Le camp
Nkurunziza aura son nouveau premier vice-président et Nditije recouvrira la
présidence de l’Uprona (du moins il sera reconnu comme tel par Le ministre de
l’intérieur). D’ailleurs, la destitution de Busokoza n’a pas annulé son dernier
arrêté qui annulait la décision du ministre de l’intérieur. Ce scenario est le
moins couteux en temps, énergies, et en vies humaines.
Il est aussi possible que
les deux camps cramponnent sur leurs positions respectives. Le camp
Nkurunziza-Nduwimana maintient que le président légal de l’Uprona est Bonaventure
Niyoyankana et sollicite que celui-ci propose (des élus du peuple) un candidat
premier-vice-présidentiable. Réinstallé dans son bureau de Kumugumya, gardé par
une armada policière la main sur la gâchette,
Niyoyankana propose des noms, le président Nkurunziza passe à la
nomination, le président de l’Assemblée Nationale convoque les parlementaires
dans une session extraordinaire, les parlementaires du Cndd-Fdd -- remplissant
le quorum et ayant les votes constitutionnellement requises -- votent la main
haute le nouveau premier vice-président Tutsi de l’Uprona, celui-ci est
investi, et voilà le jeu légal se boucle. Il faut noter qu’avant d’arriver là,
l’Uprona de Nditije aura déjà retiré tous ses ministres et autres hauts cadres
des institutions de l’Etat. Le président Nkurunziza nommera un nouveau
gouvernement avec des ministres Upronistes du camp Niyoyankana.
La réaction du camp
Nditije sera déterminante pour la suite des évènements.
L’Uprona peut décider de s’allier
avec toutes les autres forces de la nation qui se sentent aujourd’hui lésées, violentées,
et frustrées pour enclencher un mouvement de résistance non-violent de grande
envergure. Les alliés ne manqueront pas surtout que les composantes de la société
burundaise qui ont une dent contre le ministre Nduwimana et la justice du
régime Nkurunziza ne se multiplient que du jour au lendemain. Pour ne citer que
quelques-uns, le très populaire leader historique du FNL, Agathon Rwasa, n’a
plus de parti politique; l’ADC-Ikibiri comptent Hussein Radjabu et Frédéric
Bamvuginyumvira (pour ne citer que deux individus parmi d’autres centaines de
prisonniers politiques) derrière les murs de Mpimba; le supporters d’Isidore
Rufyikiri ; les anciens commerçants du marché centrale de Bujumbura ;
les femmes commerçantes brutalisées par la police; les activistes pour la
justice sociale qui est contre la vie chère, etc. A y voir de près, il y a tout
un monde qui n’attend qu’un élément déclencheur pour prendre la rue et dire que
« trop, c’est trop ». Le parti de l’indépendance peut prendre le
taureau par les cornes, coordonner les efforts avec toutes les autres forces de
la nation, et rendre le pays ingouvernable pour le camp Nkurunziza à travers un
mouvement d’envergure et non-violent. La politique, ce sont les rapports de
force.
Si l’Uprona procède
ainsi, la première réaction du camp Nkurunziza sera violente.
Gaz lacrymogène, tabac, emprisonnements, etc. Certains leaders de ce
mouvement national pourraient perdre leurs vies. Mais la réussite dépendra de
la ténacité, de la discipline, de la détermination, et du leadership de ce
mouvement. Il faudra se préparer pour une longue lutte non-violente. Si le
mouvement tient, le camp Nkurunziza devra négocier. Premier point : le
départ de Mr. Edouard Nduwimana.
Le scenario qui fait plus
peur et le plus extrême est celle où l’Uprona résiste seul. Sans coalition avec
d’autres partis perçus comme non-Tutsi. Le camp Nkurunziza pourrait rapidement
transformer cette crise actuelle en conflit ouvert Hutu-Tutsi (les tensions
commençaient à remonter déjà). Les nommés Tutsi proposés par Niyoyankana ne
seront considérés que comme des traitres qui ne représentent que leurs
embonpoints.
Ce scenario représente
une rupture totale de l’Accord d’Arusha. Les Tutsis ne se sentant plus représentés
dans les institutions penseront automatiquement à leur sécurité physique. Rappelez-vous,
les situations conflictuelles dégénèrent très rapidement et irrationnellement dans
nos grands-lacs africains. Indiscutablement, cet aspect emmènera l’armée dans
la danse, les ex-FAB d’un côté, les ex-FDD de l’autre (déjà des rumeurs
circulent que des militaires ont dû être calmés par des politiques la soirée du
limogeage de Busokoza). Les conséquences seraient graves. Les militaires
burundais ne s’entretueraient pas seulement en Somalie et en République Centre
Africaine; le pire est que le Burundi lui-même connaitrait des violences pires
que celles observées en Somalie ou en Centre Afrique. La communauté internationale doit faire
attention, ce n’est pas seulement le Burundi qui brulera. Ses intérêts sont
exposés si le Burundi explose.
L’heure est grave. Nos
leaders doivent mesurer leurs prochaines actions et réactions en conséquence. Si
le Burundi renoue avec son esprit démoniaque violent d’un certain temps, il n’y
aura rien d’honorant dans l’héritage de
Pierre Nkurunziza, le premier président post-Arusha qui aura engendré la
rupture de cet accord de paix et de réconciliation nationale pour remplir de
nouvelles fausses communes. Une voie de sortie honorable existe. Espérons
qu’elle sera suivie.
Bonjour ,
RépondreSupprimeril y a quand même un petit hic dans votre analyse, ne croyez pas que l'honorable Nditije représente les intérêts des tutsi, croyez le ou pas, il est hutu, et il défend les intérêts de tout le monde, et s'il arrive qu'il y ait des heurts, ils ne seraient pas ethnisés