jeudi 21 mars 2013

Quelle leçon pouvons-nous tirer des événements de Businde?


Didi Didier


Par Didi Didier 
 
Businde, petite colline perdue au Nord du Burundi vient de devenir la cible des medias du Burundi en général et des medias régionaux en particulier. Cette médiatisation relève de l’un des événements les plus sanglants affectant immédiatement l’Eglise Catholique du Burundi après l’assassinat à Kiremba des deux sœurs missionnaires dans la province de Ngozi, fin d’année 2011. Faut-il aussi rappeler que le Burundi a déjà versé le sang de deux Evêques (Joachim Ruhuna et Michael Aidan Courtney) dans la crise qui a secoué le Burundi (1993-2003)

Nul ne peut rester indifférent ou silencieux face à une folie meurtrière qui a emporté la vie d’enfants  et de femme en général dont la seule faute était de braver l’interdiction publique de prier sur la colline de Businde, colline où la Vierge Marie aurait  apparu à  une certaine Eusébie.
Au départ le culte était en accord avec l’Eglise Catholique dont Eusébie se réclame membre (aujourd’hui elle est en cachette). Mais la dérive (doctrinale ou théologique) des pèlerins de la colline Businde (un sanctuaire catholique y avait déjà été élevé) a provoqué la condamnation de l’Eglise et le  culte de Businde tomba sous interdiction ecclésiastique.

Personne ne peut le douter,  pour que cette interdiction soit effective, l’Eglise Catholique demanda  main-forte de la part des dirigeants. Dans le souci de ne pas fâcher l’Eglise majoritaire au Burundi, ceux-ci n’ont pas tardé à malmener les gens qui venaient prier à Businde. Cela alla de la destruction du sanctuaire et des emprisonnements arbitraires jusqu'à la l’installation  permanente d’une position de sécurité occupée  par des policier armes de kalachnikovs  à l’endroit du sanctuaire . Ce zèle exagéré  des membres de l’exécutif a été à maintes reprises  décrié  par la société civile, condamnant l’intervention partiale des gouvernants d’un pays laïc dans une affaire religieuse.

Cet acharnement ne découragea pas ceux qui avaient reçu le message d’Eusébie. Il fallait revenir prier sur la colline de Businde le 12 de chaque mois. Mais le matin du 12 mars 2013 se révélera  fatal pour les adeptes d’Eusébie : le bilan actuel est de 10 morts et une dizaine de blessés dont 2 policiers selon les informations officielles. Pour un petit rappel, le matin du drame verra le ministre de l’intérieur et celui de la sécurité publique atterrir sur le site de Businde. Devant les morts et les blessés, ils rendirent hommages au policiers qui ont tué et blessé  des pèlerins excités  à la cervelle lavée. Le mouvement Eusébie  a été comparé au mouvement d’extrémistes d’islamistes nigérians (Boko haram) qui a déjà tué des milliers de chrétiens et brulé une centaine d’églises. Personne ne put retenir son émotion, l’arrogance était à son comble. Rappelons que l’un des ministres est natif de cette colline.

L’église catholique du Burundi a fait une réaction très tardive et trop froide. Les paroles de condoléances de l’évêque adressées aux familles en deuil et aux fidèles catholiques  n’étaient  pas du tout convaincantes.  Je n’ai pas vu les larmes d’un père  qui pleure la mort  simultanée des ses fils et de ses filles. [IISam.18:9 ;18:32-33]

La justice déterminera si oui ou non cette  interdiction de prier sur la colline de Businde est en accord ou pas avec la constitution du Burundi qui garantit la liberté de culte. Au delà de l’émotion, posons les questions sur les raisons,  qui, une foi de plus a poussé des policiers chargés de la sécurité à commettre l’irréparable et endeuiller le Burundi. Pire encore, ils ont reçu des ovations de la part de leurs supérieurs, une chose qui a provoqué l’irritation de la majorité de la plupart des acteurs politique au Burundi.

Une compréhension plus profonde de la conception du pouvoir par l’âme murundi peut nous aider à sonder ce qui a conduit au drame d’une telle ampleur. Les dirigeants actuels comme ceux qui étaient au pouvoir dans le passé ne font aucune attention à la loi. La seule chose qui importe n’est que rester dans les bonnes grâces de ses supérieurs. Excepté la peur de fâcher ses supérieurs, l’exercice du pouvoir ne doit sa limite qu’ à la conscience du dirigeant. Rien ne peut nous étonner, la plupart des lois édictées au Burundi ont été rédigées dans des pays lointains dont la culture nous reste étrangère. Le Burundais ne veux pas faire sien le respect de la loi. Nous préférons des arrangements, des soumissions dans le silence. L’égalité n’est avouée qu’à la radio et à la télé. Certains parmi les citoyens se sentent supérieurs.  La mise en question d’un ordre d’un supérieur est perçue comme une insubordination. La démocratie se conçoit comme une façon pacifique dont les élites se succèdent au pouvoir. Très peu de ceux qui sont au pouvoir savent qu’ils sont au service du peuple et non le peuple à leur service.   Le Burundais dans son fort intérieur voit l’exercice du pouvoir à la même façon qu’il était exercé  sous la royauté. Se conformer à la loi est vu par les burundais comme rigidité si ce n’est pas méchanceté ou dans le cas contraire de la générosité. Au Burundi, nous avons tendance à remercier celui qui a bien fait son service (publique) même si il est payé  par les taxes que donnent les citoyens.

Ceux qui possèdent les armes pour défendre la nation des agressions étrangères  ou pour assurer la sécurité intérieure du pays se voient emporter dans les airs. La plupart des policiers et des militaires au Burundi ont du mal à croire que se sont des citoyens comme les autres. Ne pas se soumettre aux ordres qu’ils vous intiment peut  vous couter la vie. L’unité nationale ou le sentiment d’appartenance à une même nation est presque inexistant. Même ceux qui vont à la même église se haïssent. Au sommet de ce constat, malgré l’enseignement chrétien de l’amour et du respect de la vie, la sacralisation de la vie n’est pas dans la culture burundaise. Des gens peuvent se réjouir de la mort des autres. Très peu de gens manifestent l’indignation devant la torture et la souffrance causée par ceux qui ont le pouvoir.

             Les habitants de notre pays devraient organiser des débats publics  et réclamer une justice exemplaire contre les dirigeants qui abusent de leur pouvoir.  Si un ministre me donne un ordre – par écrit ou verbalement, est- il normal que n’est pas l’exécuter peut me couter la vie ou une détention sans avis des officiers de la justice? Dans quel pays vivons-nous ?

 Ce qui s’est passe à Businde est une démonstration de la brutalité dans la manière de l’exercice du pouvoir au Burundi. En tant que chrétien catholique, se reconnaissant dans la spiritualité mariale et citoyen du Burundi,  je condamne fermement ces actes de barbarie commis par de gens chargés  d’assumer la  sécurité de la population. Je remets à Dieu ces ministres qui ont chanté  des louanges à ceux qui ont tué  des pèlerins tout en leur rappelant qu’ils  ne pourront jamais se laver de leurs propres mains  le sang des martyrs qu’ils ont crées eux-mêmes par leurs paroles s’ils ne demandent pas pardon avec sincérité.
Je sais que certains parmi mes lecteurs diront que je ne suis pas habileté à déterminer le sort de ceux qui se réjouissent de la mort et la souffrance des autres, mais je doute que l’arrogance et l’orgueil de ces ministres leur permettra de reprendre le micro pour demander pardon et sentir la douleur que leurs subordonnées ont causé aux familles des pèlerins de Businde, à leurs compatriotes Burundais qui attendaient d’eux une protection.

Une fois encore faut-il le  rappeler « Chaque visage est un miracle, parce qu’il est unique »- Tahar Ben Jelloun. Personne ne peut remplacer ceux qui sont morts. La vie est sacrée, celui qui maudit ce que Dieu a bénit lui-même sera maudit, celui qui détruit ce que Dieu a érigé, Dieu lui-même le détruira. La vie est un don de Dieu, chacun de nous devrait œuvrer pour sa protection et son épanouissement.

L’avènement du pouvoir actuel avait suscité beaucoup d’espoir, le président Pierre Nkurunza a fait un geste humanitaire en abolissant la peine de mort au Burundi. Par la suite sont silence face aux actes de violences qui se sont produits durant la période de son pouvoir, des violences  qui ont emporté beaucoup de vies humaines, sa non-réaction après le massacre de Businde fait penser que son geste, au départ cru comme humanitaire a été motive par d’autres raisons . L’hypothèse que je peux émettre consiste en un geste économique plutôt qu’humanitaire. L’abolition de la peine de mort a sans doute permis au pouvoir de gagner des aides financières de la part des pays Européens qui sont par majorité abolitionniste de la peine de mort.

Si la mort des pèlerins de Businde avait peiné le président de la république, il se serait exprimé à  la radio et aurait demis de leurs fonctions les ministres qui ont osé narguer les morts, les blessés et les familles en douleur le jour du drame. D’ailleurs, le fait que ces ministres n’ont pas remis leurs postes montre la solidarité reçue de la part de leur chef et le faitqu’ils ne sont pas désolés de leurs paroles adressées  le jour du drame signifiant ainsi que la mort violente provoquée par leurs subordonnés est une chose banale.

Espérons que la mort des pèlerins de Businde permettra une nouvelle approche dans la relation “population civile- policiers”. Le respect de la vie dans une société est un combat que chacun de nous doit prendre comme le sien. Notre volonté de vivre sur un terre pacifique et de liberté ne se réalisera que le jour le dirigeant et le diriges se sentiront comme des citoyens d’une même République avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, des enfants d’un même Dieu appelés vivre et travailler ensemble pour le meilleur des générations  futures.  Entre autre, je demande aux responsables politiques du Burundi de laisser les gens se rassembler pour la prière du 12 de chaque mois  sur la colline de Businde. Le fait que l’Eglise Catholique n’a rien à faire dans ces genres  de prières ne les rendent pas illégales ou source d’insécurité pour le reste de la population du Burundi.  Hommage à ceux qui sont tombés sous les balles d’une police guidée par des aveugles.  Que le sangs des martyrs de la belle colline de Businde arrose et fait grandir  les esprits des  hommes  militants  pour la liberté et l’égalité. Je me joins aux familles endeuillées.



                                                     DIDI Didier
                                                     Université Technique d’Etat de Tver
                                                     Faculté de l’informatique et des
                                                                               Technologies de l’information   

1 commentaire:

  1. bravo, très bon article, je trouve!
    Businde, c'est aussi l'image d'un peuple qui cherche toujours des repères. Un peuple fragile qui traverse le désert et qui a besoin d'une boussole en bon état. Un peuple qui a soif; qui veut comprendre... construire son identité. Aussi, un peuple qui n'aime pas les barrières, qui fonce à tout prix...; C'est aussi l'image d'un peuple pour lequel la violence est une réalité toujours vive, très présente dans la société. La victime le sait d'avance, le "victimeur" le sait aussi; il suffit d'un rien pour que la cité s'endueille [je crois vraiment que les uns et les autres, les tireurs et les "tirés" auraient pu trouver un terrain d'entent].
    Businde, Dieu qui se cache? L'homme qui cherche mal? Le ciel qui se tait? La loi qui ferme les oreilles?

    Businde, une séquence d'un long métrage sur laBurundi, une séquence où s'exprime la douleur d'une nation dans des syntagmes variés: les doutes d'un peuple, la soif de trouver la Solution. Une séquence où se lit une longue histoire de violence qui ne finit pas de quitter le coeur des villageois.

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