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Vital Nshimirimana |
J’ai décidé d’interviewer le nouveau Délégué général
du Forsc Vital Nshimirimana sur les principaux défis de la société civile burundaise. Ci-après l’entretien.
Il y a a peu près un mois que vous avez pris
vos responsabilités à la tête du FORSC. Quels sont vos principaux objectifs
pour votre mandat ?
Les principaux
objectifs pour le mandat découlent des textes régissant le FORSC. Il s’agit
principalement de veiller à ce que la société civile burundaise continue à
jouer un rôle clé pour l’émergence de l’Etat
de droit, caractérisé par le respect des valeurs universelles de respect des
droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance. Le FORSC doit
particulièrement affermir le plaidoyer sur l’indépendance de la magistrature, ce
qui est une condition sine quoi none pour l’Etat de droit au Burundi.
Evidemment, la constitution du Burundi assigne au pouvoir judicaire le rôle de
gardien de droits et libertés fondamentales de l’homme. A ce titre, les droits et libertés
fondamentales de l’homme au Burundi dépendent absolument de la qualité des
prestations de la justice burundaise, de sa crédibilité et de sa disposition à
défendre ces droits.
Egalement, le
FORSC doit continuer à montrer sa position sur les questions d’intérêt général
notamment celles liées aux droits de l’homme, la gouvernance, les élections et
la justice transitionnelle.
Quels
sont les principaux défis du moment pour le FORSC et la société civile
burundaise en général ?
La visibilité et
la présence de FORSC sur terrain font que les citoyens attendent beaucoup de
lui. Ceci est une fierté pour l’organisation mais aussi un défi. Et pour cause,
le Burundi est envahi par la peur ; oui, il faut le dire, les citoyens
burundais ont peur. Ceci est perceptible lorsqu’on entend les réactions des uns
et des autres. Ceci contraste par ailleurs avec les attentes de la population
qui est dirigée par des institutions
désignées par elle-même depuis presque une décennie mais des dizaines voire des centaines de citoyens
continuent à subir la torture, les exactions extra judicaires, les assassinats.
Il découle de cette situation que plusieurs attendent que le FORSC prenne les
devants dans la dénonciation et l’aide des victimes pour rentrer dans leurs droits. Parallèlement, le
FORSC doit travailler sur des questions épineuses de gouvernance et de corruption, ce qui lui attire la colère de
certains détenteurs du pouvoir public. D’autre part, la collaboration entre le
FORSC ou la société civile en général avec les pouvoirs publics n’est pas
toujours tendre. A certaines occasions, la société civile burundaise est
assimilée à l’opposition, ce qui me paraît comme une tentative de décrédibilisassions de la
société civile. Il n’est pas rare d’entendre une accusation selon laquelle ceux
qui défendent les victimes des abus des droits humains en ont fait un fonds de
commerce ! De toutes les façons, la société civile n’a pas le droit de
désarmer, il doit continuer à défendre les valeurs positives qui fondent toute
société démocratique où chaque citoyen est totalement épanoui.
Nous
approchons des élections de 2015, sachant que la période électorale est souvent
teintée d’intense violence. Quel rôle la société civile entend jouer dans le déroulement
des futures élections et la consolidation de la démocratie ?
Comme dans
certains pays africains, on pourrait dire que la période électorale est
toujours entourée de tension. Dans les grandes démocraties, les élections amènent l’opinion à se
demander : qu’est ce que le nouveau régime va nous apporter en terme de
bien être, de développement économique, de justice sociale, d’augmentation
d’emplois ou en général, quelle sera la solution pour les principaux défis auxquels
le pays est confronté ? Aujourd’hui plus que jamais, la violence paraît
être un outil clé pour la mobilisation forcée en vue d’adhérer à son idéologie
politique. Tel est précisément l’attitude de la Jeunesse Imbonerakure affilée au parti CNDD-FDD. Cette jeunesse
sème la terreur, se substitue parfois aux instances judicaires et de sécurité. Par
endroit, cette jeunesse fait la loi
d’autant qu’elle s’assure de l’impunité pour ses actes. La société civile a décidé de
prendre sa responsabilité face à cet état de fait. En effet, à côté des
activités traditionnelles d’éducation citoyenne, de sensibilisation et de
contribution pour l’émergence de l’Etat de droit, elle a lancé ce 17 mai 2013,
la campagne contre l’intolérance politique où elle entend mobiliser tous les
citoyens burundais pour dénoncer les agissements des Imbonerakure qui sèment la
terreur et s’adonnent à divers actes de violence afin de les identifier, les
lister, les enregistrer et faire rapport à qui de droit autant que saisir les
instances judicaires au nom des victimes conformément au code de procédure
pénale. En somme, cette campagne est une occasion pour la société civile et les
citoyens ordinaires de refuser ouvertement que des gens continuent à mourir ou
à être persécutés à cause de leur pensée politique.
Le
Burundi est un pays qui sort de la guerre. Ou en est la justice post-conflit et
que faire pour qu’elle réussisse ?
Il s’agit du
chapitre qui évolue à pas de tortue. Que des promesses ont été données à
plusieurs reprises mais aucune n’a été tenue. La volonté politique manque
vraiment. Rien ne saurait expliquer qu’après plus d’une demie décennie que les
consultations sur la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle on
n’ait avancé d’un iota ! D’ailleurs, la justice transitionnelle est
contenue dans l’Accord d’Arusha dont émane la Constitution du Burundi. Aujourd’hui,
on envisage, à la nième fois, le vote de la loi sur la commission vérité
réconciliation. Ce qui est davantage gênant, c’est que le gouvernement entend
par justice transitionnelle, le seul mécanisme de vérité. Mais les standards
internationaux exigent qu’il y ait également un
mécanisme judiciaire pour punir les coupables et statuer sur les
réparations à allouer aux victimes. C’est d’ailleurs une question de logique
parce qu’on ne peut pas aboutir à la réconciliation du peuple sans justice. D’un autre côté, il faut résoudre les
questions préalables comme celles relatives à la sécurité. En effet, dans
un contexte où les gens ont peur, il
serait trop demander que de chercher la vérité au sein de la population dont
l’attention est tournée davantage sur les questions sécuritaires!
Quelles
sont les forces et les faiblesses de la société civile burundaise ?
La première
force de la société civile burundaise c’est sa légitimité : elle travaille
pour le peuple, le représente et est la voix des sans voix. Les membres de la
société civile sont engagés, proactifs
et solidaires. La jeunesse de la société civile burundaise assortie par
le manque de moyens financiers et logistiques freine l’engagement de certains.
Est-il facile de succéder à Pacifique
Nininahazwe ? Il est bouillant, vous paraissez plutôt calme.
Représenter le FORSC est une grande responsabilité. Cela
demande beaucoup d’engagement et de don de soi. Je suis plein d’admiration et
d’estime pour mon prédécesseur. L’assemblée générale l’a désigné Délégué
Général d’Honneur, ce qui veut dire qu’il est une personne ressource pour
l’organisation. Toute l’organisation va continuer à profiter de son expérience
et sa sagesse. Je ne suis pas trop calme.
Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui êtes-vous, M.
Vital Nshimirimana? Quel est votre parcours académique et professionnel ?
Je suis juriste de formation, j’ai exercé au sein de la
magistrature pendant 8 ans et demi comme juge et substitut du procureur. J’ai
des diplômes de Maîtrise en droits de l’homme et Résolution pacifique des Conflits de l’Université du Burundi,
Droit International et Comparé de l’Université de Limoges et Droit
International et Règlement des Différends de l’Université des Nations Unies
pour la Paix de Costa Rica.
Je vous
remercie.
Propos recueillis par Jean-Marie Ntahimpera.