Thierry Uwamahoro |
Par Thierry Uwamahoro.
L’actualité
burundaise est dernièrement dominée par des sujets chaudement inflammables – la
CNTB et l’expulsion injuste de Nyakabeto, la loi « liberticide » sur
la presse que les partenaires du Burundi rejettent ou regrettent, la fermeture
du site et forum Iwacu mais qui reviennent sous complicité des
« anonymes » – qu’une information très importante et très conséquente
qui a filtrée de la bouche d’ Alexis Sinduhije n’ a pas fait la une des
journaux. C’est en effet durant l’émission Kabizi de la RPA de ce Jeudi, 6 juin
2013 que le président du MSD, parti membre de l‘ ADC Ikibiri, a annoncé que l’Alliance
des Démocrates pour le Changement présentera un seul candidat présidentiable en
2015. Le lendemain, une page Facebook dénommée « Sinduhije »
affichait le message : « Abarundi
Bose Babimenye Muri Adc Ikibiri tuzotanga umu candidat umwe muri 2015» (Que
tous les burundais soient certains, ADC Ikibiri présentera un seul candidat en
2015).
Depuis un certain
temps, des gens se lamentaient que trois ans après, l’ADC Ikibiri passait plus
de temps à parler de 2010 au lieu de se focaliser sur le présent et l’avenir
(2015), en présentant des solutions aux défis du moment et un projet de société
pour un Burundi futur prospère. Les récentes discussions fructueuses facilitées
par les Nations Unies commençaient à indiquer dernièrement un regard définitif
vers le futur et la déclaration de Mr. Sinduhije tranche clairement que les dés
sont jetés pour un 2015 hautement compétitif. Et c’est le peuple Burundais qui
gagne.
Depuis que Pierre
Nkurunziza a pratiquement annoncée sa candidature à sa deuxième propre
succession en 2015 dans une interview à Jeune Afrique, l’annonce de Mr. Sinduhije clarifie d’avantage le
panorama des prochaines élections présidentielles. Il y aura principalement trois blocs : Le
CNDD-FDD avec Mr. Nkurunziza comme candidat, l’ADC avec un seul candidat, et je
suppose l’UPRONA. Des trois blocs, l’UPRONA est le moins mieux placé pour
gagner les présidentielles et pourrait en sortir d’ ailleurs le plus affaibli
politiquement (j’y reviendrai). En réalité la compétition sera un duel ADC
Ikibiri – CNDD-FDD.
Il y a deux mois,
je prédisais une présidence de Mr. Nkurunziza jusqu’ en2020. Comme
toujours, les pronostics sont basés sur les conditions et les facteurs détectables
au moment de la pronostication. La déclaration de Mr. Sinduhije change la donne
et présage une élection présidentielle très compétitive. La campagne pourra
être une où les idées et les projets de société priment, aucune voix ne sera
pris pour gratuit et la capacité organisationnelle de toutes les forces
d’Ikibiri au niveau national et international réunit derrière un(e) seul(e)
homme/femme donnera au CNDD-FDD du fil à retordre ; n’en déplaise les
Imbonerakure.
En outre, les
dissensions internes au CNDD-FDD pourraient faciliter la tâche à la coalition
Ikibiri ; certains Bagumyabanga frustrés pourraient soit s’abstenir, soit voter
pour le candidat de l’ADC. Les dernières fuites des Abagumyabanga laissent entendre
l’existence de plusieurs blocs (des fois régionaux) qui se disputent la
candidature présidentielle de 2015. La clique Nkurunziza essaierait d’imposer coûte
que coûte leur candidat en violation des Amasazerano
(Accords) signés durant le maquis où les
anciens rebelles se sont promis une alternance au sommet de l’Etat une fois la guerre
terminée et la première élection gagnée. Selon une source très crédible d’une
ambassade hyperpuissante à Bujumbura, Gabriel Ntisezerana, président du Sénat,
se positionne comme candidat neutre en tant qu’originaire de Bubanza et cherche
activement un support dans les chancelleries de Bujumbura. Mr. Gervais Rufyikiri
à son tour n’a pas non plus assouvis ses appétits présidentiels et aurait
utilisé son récent voyage à Washington et New York pour faire avancer son
agenda. Mais, là ce sont des informations
qui ne sont pas encore du domaine public, du moins officiellement. En tous cas,
si tout se confirmait, il y a une forte possibilité que l’ADC en sorte gagnant,
si elle présente des solutions alternatives crédibles aux défis burundais en
2015.
Le pari n’est pas
pourtant nécessairement gagné d’avance. Une élection compétitive ne garantit
absolument pas la victoire de la coalition des démocrates. Mr. Nkurunziza
bénéficie toujours de deux atouts non des moindres : finance et logistique
(il utilisera les moyens de l’Etat par exemple) et un pouvoir judiciaire qui
laisse point de doutes votera avec le président sortant en 2015. Nonobstant, si
les finances et le soutient du pouvoir judiciaire suffisaient pour être réélu
président à un troisième mandat, Abdoulaye Wade serait président du Sénégal.
L’annonce de Mr. Sinduhije nous ouvre la possibilité d’un Macky Sall burundais.
Les ténors de l’ADC en ont le calibre.
Revenons sur le
cas UPRONA. Depuis un certain temps, ce parti dinosaure de l’histoire contemporaine
du Burundi se présente comme un partenaire incontournable dans la gestion du
pouvoir à Bujumbura en se positionnant comme garant des intérêts Tutsi et
conséquemment héritier de la première vice-présidence (cette institution qui semble
par ailleurs être un cadeau empoisonné qui divise les héritiers de Rwagasore).
Cependant, un Président de la République Bamvuginyumvira, Kampayano, Nyangoma,
Rwasa, Nzomukunda, ou Ngendakumana pourra nommer un premier vice-president
Sinduhije ou Nyamoya (qui aura fait campagne avec lui/elle) sans violation
aucune de l’article 124 de la Constitution de la République du Burundi qui
stipule que :
« Les
Vice-Présidents appartiennent à des groupes ethniques et des partis politiques
différents.
Sans préjudice de l’alinéa précédent, il est tenu compte, dans leur nomination du caractère prédominant de leur appartenance ethnique au sein de leurs partis politiques respectifs ».
Sans préjudice de l’alinéa précédent, il est tenu compte, dans leur nomination du caractère prédominant de leur appartenance ethnique au sein de leurs partis politiques respectifs ».
Si l’ADC gagnait
les élections en 2015, pour la toute première fois dans une très longue
période, l’UPRONA – qui des fois ne peut dire si il est dans l’opposition ou au
gouvernement – sera effectivement un parti politique d’opposition. Peut-être
une occasion de se regrouper.
Dans la foulée
des unes de l’actualité récentes, les
unes plus chaudes que les autres, l’annonce faite par Mr. Sinduhije n’aurait
pas reçue l’attention qu’elle mérite. Cette annonce aura sûrement des impacts
significats dans les jours, mois, et années à venir. L’ADC pourrait aller même
plus loin et adopter la même stratégie
de candidats/listes communs pour les élections législatives ; une stratégie
qui, une fois réussit, réanimera la vie et le débat démocratiques au Burundi. Le
futur du Burundi comme pays prospère, des libertés, et flambeau de la
démocratie en dépend.
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