Cyriaque Muhawenayo |
Cyriaque
Muhawenayo est journaliste couvrant la région des Grands-Lacs au BBC World
service. Il vient de publier un livre autobiographique, “La guerre des Nez au
Burundi » aux Editions L’Harmattan, où il évoque les tragiques événements qui
ont touché le Burundi et l’ont touché personnellement. Ici l’entretien que j’ai
réalisé avec lui pour parler du livre.
Bonjour Cyriaque.
Vous venez de publier un roman autobiographique “La guerre des Nez au Burundi
». Pouvez-vous nous présenter en quelques mots ce livre ?
Comme vous le dites, c’est roman
autobiographique intitulé « La guerre des nez au Burundi. » Ce titre vient du
fait que, pendant tous les événements tragiques que le Burundi a connu, les
massacres interethniques, les gens se référaient à la forme du nez pour
éliminer tel hutu ou tel tutsi. Il est arrivé un moment où, « Hakwihenda
wokwihekura » (au lieu de se tromper à cause du nez, vaut mieux tuer un des
tiens.), soit le seul slogan. Comme je l’ai bien écrit dans ce livre, je ne suis
pas un homme important ni un écrivain ; mais un homme qui est né dans un pays où
il ya eu beaucoup de deuils, où on tuait tout le monde parce que la responsabilité
est commune. Bref, il ya eu beaucoup de morts innocents, des hutus comme des
tutsis. Il ya eu aussi beaucoup de réfugiés, de déplacés et de regroupés,
victimes de cette guerre fratricide. Ces gens on beaucoup souffert. Ils ont
connu la faim, la soif, l’indifférence, l’ignorance, toute sorte de maladie,…
Il ya aussi ces élèves qui ont dû apprendre le métier des armes contre leur gré
( dans les mouvements armés hutus du palipehutu, CNDD-FDD, Florina,….des tutsis
qui s’enrolaient dans les Sans Echec, PA Amasekanya, SMO). Nous n’avons connu
que des problèmes. Dans tout cela, la responsabilité a été toujours collective.
Pour moi donc, je pense qu’il est temps de changer les choses. Il faut que la
responsabilite soit personnelle. Qu’une personne soit punie pour ce qu’il a
fait pas pour ce qu’il est, et qu’il ne soit pas associé à son appartenance
ethnique ou politique. Un enfant tutsi né en 1980 par exemple, n’as rien à voir
avec les événements de 1972. Même un tutsi qui avait 20ans en 1972, cela ne
veut pas dire qu’il est impérativement impliqué dans ces événements tragiques,
surtout que, ce qu’on ne nous a pas dit, certains ont perdu les leurs aussi.
C’est la même chose pour ce qui s’est passé en 1993 où les hutus sont pointés
du doigt…je le répète, la responsabilité doit être personnelle. Que chaque
personne réponde de ses actes. Bref, je
veux que les gens arrêtent de se regarder en chiens de faïence.
Pourquoi cette
guerre des nez ? Quelles en ont été les
causes et les conséquences ?
Je ne peux pas m’enventurer à vous dire les
causes. Ca m’échappe. Quelle que soit cette cause, il m’est impossible de
comprendre des gens qui prétendent être civilisés qui se livrent à des
massacres affreux. Ecoutez-moi, nous savons comment labourer la terre,
apprivoiser des animaux sauvages, construire des édifices complexes,…alors
dites-moi comment ne pas savoir vivre en paix avec ton frère de race ? Je veux
dire la race humaine.
Les conséquences
sont tels que vous les avez vus : les morts, des milliers de réfugiés, de déplacés
et de regroupés, sans compter des miliers des veuves et orphelins,
victimes-nées de cette barbarie.
Vous avez
participé à la guerre, que ce soit du coté de l’armée gouvernementale ou de la
rébellion. Qu’est-ce qui vous a personnellement motivé à prendre les armes ?
Tenez-bien ! Dans
l’armee nationale, c’était une obligation : SMO(Service militaire Obligatoire)
; tandis que pour les autres mouvements, après 1993, j’ai dû y adhérer. Pourquoi ? Au Lycee de Burengo
puisque il s’agit de mon Lycée, les élèves tutsis allaient apprendre les
tactiques militaires à Vyerwa(Ngozi), chez un certain Ntayandi. J’avais même un
ami (il est deja mort) qui, de retour chez Ntayandi, m’implorait pour le
masser. Quoi d’anormal alors chez les hutus de s’enrôler dans des mouvements armés
??? C’était la course aux armements. Connaissez-vous la genèse du SMO ??? Au départ,
ce service n’était pas destiné à tout le monde. On a donné l’information aux
tutsis de bouche à oreille. Mes amis d’ethnie tutsi sont venu me dire au revoir
à la maison, me disant qu’ils partaient pour une formation militaire. Une
semaine après, à cause des pressions des parlementaires Hutus, le président
Buyoya a promulgué une loi qui nous envoie à ce service( des finalistes du
secondaire et les étudiants des candidatures.). Au debut, on a eu peur jusqu'à
ce que certains hutus désertent. Après, on a appris à vivre ensemble à tisser
des amitiés fortes et ce, jusqu’ici. Alors, si certains étaient appelés à
rejoindre les camps de formation clandestinement, sans avertir les autres, vous
comprenez que par question de sécurité, les hutus devraient chercher la sécurité
ailleurs. Vous vous souvenez des grenades qui ont été lances dans les écoles
secondaires ? Les massacres à
l’universite ? Tous ca poussaient les gens à chercher leur propre sécurité.
Pour moi et pour les autres, la motivation était la peur de l’autre. Il faut maintenant
chasser cette peur, se parler et chercher la solution de nos problèmes à
travers le dialogue.
Quels souvenirs avez-vous gardé de cette
guerre ? Quelles leçons en avez-vous tiré ?
Un souvenirs amer
! Et pour la lecon, c’est simple : dire Haut et fort ce que nous avons vécu,
pour éviter de nouvelles tragédies.
Beaucoup des
anciens combattants sont devenus des hommes politiques, d’autres sont entrés
dans l’armée, et vous vous êtes devenu journaliste. Pourquoi ce choix ?
Chacun a son choix.
Je me plais ici. C’est une place où je sers mon pays et mon peuple sans
influence de qui que ce soit.
En tant qu’ancien
combattant, que pensez-vous des nouveaux groupes rebelles qui se déclarent ici et
là et qui disent vouloir « libérer » le Burundi ?
Je ne sais pas quoi dire,….mais comme l’a dit recemment le président Buyoya, le temps de la rébellion
est revolu. Rébellion est un mot facile à prononcer, mais ce n’est pas facile à
mettre en œuvre.
Que faut-il faire
pour éviter une nouvelle guerre et avoir une paix durable au Burundi ?
Il faut éviter la globalisation, l’extrémisme…les
jeunes doivent dire non à la manipulation des politiciens et construire leur
avenir meilleur.
Propos recueillis
par Jean-Marie Ntahimpera
LA GUERRE DES NEZ
AU BURUNDI
Ce livre relate
la vie d'un jeune Burundais qui a connu la guerre et ensuite a vécu comme
réfugié dans différents pays de la région des Grands Lacs comme le Rwanda et la
Tanzanie. Il parle sans ambiguïté de la situation vécue, et sur le champ de
bataille et dans les camps de réfugiés, et prêche la non-violence et le
dialogue pour toute question susceptible de diviser la société burundaise, sous
peine de retourner dans la guerre.
En savoir plus sur La Guerre des Nez au Burundi: http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=39166
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