mardi 29 janvier 2013

La guerre entre Burundais : Malédiction ou Choix ?


Jean-Claude Nkundwa

Par Jean-Claude Nkundwa, Etudiant en master de Transformation de Conflit, Center for Justice and Peacebuilding, Eastern Mennonite University (Harrisonburg, Virginia, USA)

“On dirait la malédiction”!
Voici une phrase qui me pousse à écrie cet article aujourd’hui. Après avoir appris la nouvelle division du groupe historiquement rebelle contre Bujumbura, beaucoup de réactions ont couvert le monde des Medias. D’un coté, certains  commentaires n’expriment que la confusion. De l’autre coté, il semble qu’on s’y attendait de temps plus que les burundais commencent à croire que la violence ne résout pas les problèmes; adoptant la conviction de Martin Luther King que la violence crée plus de problèmes qu’elle n’en résout et qu’en visa à éliminer les ennemis on termine par tuer tes amis ce qui est une évidence dans l’histoire de guerre chez nous et ailleurs. D’une façon très simple, je  vais combiner cette confusion et cette vérité pacifiste qui me renvoient à l’analyse de l’escalation de la violence et m’amené à comprendre ces faits actuels et même prédire ce qui peut arriver demain.
Pour comprendre mieux, il faut se servir des événements du passé. La guerre qui éclata en 1993 était une manifestation horrible de frustrations, haine, dénigrement et peur accumulés depuis la décolonisation jusqu’ à la démocratisation. Comme dans beaucoup des pays dépendant de l’occident, la période de démocratisation était une opportunité d’acquisition de liberté pour des groupes qui étaient opprimés. Au Burundi, la grande partie des Hutus et en totalité des Batwa ainsi qu’une partie des Tutsi étaient complètement privés de leurs droits dans leurs pays. Le président Ntibantunganya nous a révélé très récemment que quand le président Mittérrand menaçait de priver des aides aux gouvernements qui refuseraient le pluralisme politique c’était comme une nouvelle ère. Cela se passait dans les années 1990. Dans son petit livre, Mission possible, le Président Buyoya semble exprimer entre les lignes un ouf  de libération lors de cette pression occidentale face aux dictatures africaines, car l’organisation des élections allait lui assurer la sécurité qu’il allait quitter le pouvoir sans être exilé par force comme c’était le sort que devrait subir les présidents de l’époque. Entretemps, Un groupe rebelle contre Bujumbura était déjà en place, l’actuelle FNL raison pour laquelle je l’appelle historique.
Victimes Tueurs
La crise de 1993 alla jusqu’ à la naissance des groups armés. Les jeunes Hutus et politiciens qui subissaient des persécutions dans les écoles et universités même dans la capitale Bujumbura et les autres villes, trouvaient comme alternative la violence organisée comme réplique contre celle du gouvernement pour s’assurer que le pouvoir, reste chez son détenteur. Un des clergés Burundais clairvoyant a vu cela comme un malheur du Burundi car “Ils allaient tuer aussi” disait il. Dans une période donnée, on comptait une multitude des groupes rebelles qui combattaient pour un seul but mais incapables de s’unir. La dynamique qui était dans cette division continue à se révéler aujourd’hui comme quoi ils divergeait au niveaux des intérêts, ce qui les amenaient même à se sacrifier. A cette étape, le Burundi n’avait plus de victimes seulement, mais plutôt des victimes assassins dans tous les cotés. Il faudrait attendre Buta, Itaba, Bugendana et Gatumba pour ne plus avoir d’arguments crédibles de tous les côtés. Entretemps la Communauté internationale note, l’histoire guète, et les belligérants pensent à trouver comment s’en sortir, mais en sont incapables. On s’était déjà embourbé.

Récupération des négociations par les puissances régionales
Quand les protagonistes négociaient à Arusha, il se sont retrouvés en train d’ouvrir le chemin à ceux qui savent tirer profit du Chaos. Les intérêts régionaux et internationaux téléguidaient les négociations. Alors que le président Yoweri Museveni voulait écarter complètement Buyoya du trône, il chercha comment promouvoir un groupe des Hutus modérés. Le rapport de Crisis Group révèle que Museveni dit qu’il ne pardonnera jamais Buyoya du fait d’avoir accepté le pluralisme politique avant le temps. Le rapport montre même que la nomination de Mandela comme médiateur était un acte politique du gouvernement d’Afrique du Sud pour commencer à mettre en application sa politique étrangère consistant à étendre sa politique libérationniste sur tout le continent noir. Cela peut expliquer l’origine des divisions des groups de CNDD et FNL. Tout le monde se rappelle que le groupe CDD-FDD a émergé avec une nouvelle stratégie et idéologie prônant la libération de tous les peuples opprimés et s’éloignant de la connotation ethnique. Jusqu'à présent le groupe semble ne pas être trop dérangé par le respect d’équilibre ethnique.
Négociations précipitées, un piège pour les élections 2010
L’émergence du CNDD-FDD, groupe rebelle inclusif a fait que les FNL qui se cramponnaient pour la libération du peuple hutu perde l’audience régionale, et internationale. C’est en 2008 qu’ils sont contraints à céder leur position ethnique pour enfin être accepté. En analysant  les négociations entre CNDD-FDD et FNL je trouve que ces derniers ont échoué. L’usage de pression régionale a contraint les FNL à signer les accords, ce qui me fait qualifier ces négociations comme “Frozen negotiations” selon l’analyste Raul Benitez Manaut.  Il était souhaitable que cette guerre s’arrête, de temps plus que tout ce que FNL combattait pour était déjà en place, mais en pensant aux besoins réels qui expliquaient cette guerre, les FNL semblaient ne pas supporter que les CNDD occupent la première place dans la représentation gouvernementale alors qu’ils ont commencé à combattre très récemment. Serait –il pour la même raison qu’Agathon Rwasa fut Appelé “Mutama” par un certain porte parole du président sur la voix des ondes? Peut être oui peut être non. De toutes les façons, on a remarqué un langage doux lors des négociations et la veille des élections, comme si on reconnaissait la persévérance et l’ancienneté de l’historique rebelle. Mais aujourd’hui la persévérance des FNL dans la guerre n’a plus de fondement convainquant que ca soit au niveau national, régional ou international.
Les conséquences des “frozen” négociations
L’échec des élections de 2010 révèle des besoins réels des politiciens et du FNL en particulier à la tête des opposants, les intérêts dominant le patriotisme dans tous les groupes et le pouvoir étant un but ultime bien que le langage évoque le Messie. Alors que le CDD-FDD s’était démantelé lui même au cours du premier mandat (ce qu’il continue), les FNL se divisaient et ils vont continuer. Il en est de même que le parti UPRONA qui n’a pas encore terminé à s’effondrer, ce qui donna la force à des nouveaux groupes comme MSD et UPD qui aussi ne sont pas épargnés par cette division. La guerre froide d’après les élections s’est manifesté comme la guerre d’intérêts ce qui découragea beaucoup les nouvelles générations constatant que le pays n’a pas de leaders qui assurent l’avenir.  
Les échanges sur les sites internet, Facebook et Twitter montrent que tout le monde veut faire quelque chose pour changer, j’ai au moins entendu plus de 10 personnes voulant être président de la république, et cela est une caractéristique d’une société sans leadership d’autorité. C’est ici qu’il faut faire plus d’attention selon moi car dans cette habitude de blâmes et diabolisation de ceux qui ne pensent pas comme soi, il est facile de se retrouver avec ceux qui ont choisi le dent pour dent. Le fait de vivre plus de 15 ans dans une guerre fratricide et grandir dans un climat politique malsain, peut faire croire que sans  la violence et changement de régime, il n’ya pas d’autre solution. Souvenons nous de la déclaration de Obama au Ghana. ” L’Afrique n’a pas besoins d’hommes forts, l’Afrique a besoin des institutions fortes.
Le destin nous appartient.
La nouvelle division des FNL en exile ou dans le maquis, la déchirure des partis FRODEBU,UPD et les autres qui sont en court, la tension permanente à l’intérieur CNDD-FDD, l’absence d’identité du parti UPRONA, nous interpelle qu’il faut l’introspection en tant que peuple avant de nous précipiter dans le maquis. Nous avons des objectifs et des ambitions, mais il me semble que nous sommes déjà ivres et ne voyons plus. Le fait que tous les groupes ne sont pas solides et unis, dit que la capacité de vision commune est devenue très basse à cause des conflits chroniques qui se trouvent presque dans tous les tissus sociaux. Le rapport de la CIA annonce que les conflits internes termineront par  un failed state. Ici j’ignore les prophéties clandestines et publiques annonçant le malheur du pays car nos comportements sont pires que ce que ces prophéties annoncent. Le professeur Deo Nsavyimana qui avait prédit que le Burundi serait une province de la Tanzanie en 2010 n’a pas précisé la date mais sa prédiction n’est pas à négliger. Il nous faut réfléchir doublement, si non nous perdrons tous.
Appelle pour les protagonistes
 Malgré les tueries toujours dénoncées par les organisations internationales et nationales, les FNL sont conseillés à examiner le coup de la guerre au lieu de trouver cela comme justification de la guerre. Une fois que celle ci sera vue comme expression de compétition pour le pouvoir contre le CDD-FDD, le groupe le plus jeunes que FNL, il tombera dans le piège du trafic d’armes, ce qui enfoncera le pays dans le chaos. Le CDD-FDD ne devrait pas négliger ce groupe qui se reconstitue, il faudra plutôt user la diplomatie et ramener les FLN avant que la violence n’explose à grand échelle. Ma crainte est qu’il y a des industries d’armes qui cherchent toujours des clients et que des Etats occidentaux se combattent pour  être bénéficiaires de cette clientèle dans tel ou tel pays. Rejetant cet argument comme quoi le Burundi n’a pas des ressources pour lesquelles combattre, si nous n’apprenons pas à être très diplomates au moment des conflits, nous seront toujours des proies des puissances. Suite à cette réalité et à la faiblesse des FNL, leur guerre durera. Il nous faut examiner nos consciences. Est ce que le maquis est le  destin de ceux qui l’ont choisi? Sont-ils faits pour une guerre perpétuelle? Pas du tout. Un autre chemin est possible.  
Pour le CDD-FDD, Il lui faut être à la hauteur et montrer qu’il est digne d’être dans la place qu’il occupe pour maintenir la confiance envers le peuple. C’est vraie que des défis sont devant le groupe politique y inclut la justice transitionnelle et le tribunal international, mais tout peut se faire d’une façon réparatrice, il faut seulement ouvrir le dialogue démocratique entre tous les acteurs. Le Liberia a connu plusieurs crimes de même que nous, mais le leadership ouvert a fait que le plan de la justice transitionnelle soit constructive que menaçante. Elle est prête à réparer qu’à infliger la souffrance par des punitions; cela est possible chez nous, il nous faut avoir un espace qui facilite notre créativité. Donc, il ya encore moyen d’espérer, rien ne nous pousserait dans une guerre suicide.
En générale, il nous faut une réconciliation qui va plus loin que les accords d’Arusha. Ces accords faisaient en sorte  que nous puissions nous rapprocher, nous parler et nous amener à comprendre nos différends de la même façon. Voici, nous y sommes. Maintenant le Burundi doit être gouverné par nous même, en aimant notre peuple, en l’écoutant plus qu’on écoute la région ou les autres nations, en établissant des principes qui sont au delà de ce que la région nous inspire. Apres tout, nous reconnaissons que tous les groupes combattants ne voulaient pas combattre mais les conditions les ont imposés la guerre et nous tous sommes retrouvés au milieu des armes et des larmes. Mais où allons-nous maintenant ?
En terminant je vous invite à craindre l’histoire, à trembler même devant elle et à faire attention à ses tournants. Comme Mitterrand vous a forcé à adopter le multipartisme, ne soyez  pas surpris si demain vous êtes dit que la sécurité est plus importante que la démocratie par la même personne. Et quand vous changerez l’argument, la même histoire va se moquer de vous. Traçons une politique qui est au delà des exclusivités basées sur les groupes ethniques, apprenons à  être humbles, acceptons à céder nos positions pour le bien général des Burundais. Montrons-nous que nous sommes un peuple qui sait choisir et qui va vers son destin et son destin n’est pas le failed state!

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