jeudi 24 janvier 2013

Note de lecture : « La guerre des nez au Burundi » de Cyriaque Muhawenayo



« Je veux que ce livre ne soit pas celui de la revanche. Au contraire, je veux qu’il soit impartial, et qu’il relate le plus fidèlement possible la condition des refugiés, des déplacés et des regroupes de la nation burundaise en particulier et, plus généralement, des pays de la région des Grands Lacs. Point n’est besoin de faire appel au maitre de la colère ou de la révolte. Seulement la vérité. Ce livre doit être un récit de vérité: VERITAS LIBERARIT NOS (Seule la vérité nous sauvera) ». C’est ainsi que Cyriaque Muhawenayo nous présente les objectifs de son livre intitulé « La guerre des nez au Burundi » qu’il vient de publier aux éditions L’Harmattan.

LE RECIT DE LA SOUFFRANCE
Ce livre se présente comme un roman autobiographique. Mais c’est avant tout un récit de la souffrance des victimes de cette guerre, ou plutôt de ces guerres fratricides qui ont endeuillé le Burundi pendant des décennies.
La souffrance que l’auteur raconte n’est pas une souffrance partisane ou sectaire. Il dénonce le mal fait à tous les innocents, Hutus et Tutsis, refugiés dans les pays voisins ou déplacés et regroupés à l’intérieur. ‘J’ai appris à comprendre les souffrances des autres, à échanger avec eux, a soutenir leurs efforts d’oublier le passé sans s’en éloigner’, écrit-il. « J’ai essayé de rencontrer le plus de gens possible, qui ne sont pas de mon ethnie, de les visiter dans des camps de déplacés, pour enfin comprendre leur souffrance....et éviter de se singulariser », m’a confié l’auteur. C’est le récit d’une souffrance universelle, même les Kosovares s’y reconnaitront.

DENONCER LE MAL D’OU QU’IL VIENNE
Cyriaque Muhawenayo dénonce les crimes commis et par les militaires tutsis gouvernementaux, et par les groupes rebelles hutus, et par les différentes milices (‘SANS -ECHECS, SANS DEFAITE et autres) et par des paysans qui ont égorgé leurs voisins innocents à coups de machettes. L’auteur a été témoin de toutes ces horreurs, lui qui a connu trois fois l’exil depuis les « événements » de Ntega-Marangara en 1988, lui qui a vu les atrocités du génocide au Rwanda alors qu’il y était refugié, lui un Hutu qui a servi dans une armée gouvernementale dominée par les Tutsis qui menait des opérations de type « tirer sur tout ce qui respire », lui qui a fait parti des groupes rebelles du PALIPEHUTU et du CNDD-FDD qui n’hésitaient pas de massacrer des gens dans les camps de regroupés et les écoles. Il a trouvé les mots pour caractériser cette guerre :
« C'était une guerre funeste de bouleversements sanglants, de ruines et de souffrances. Des hommes prétendument civilisés se livraient à des massacres affreux, à des tirs de bombes et d'obus, pulvérisant des villages paisibles, anéantissant gens et animaux avec une impitoyable sauvagerie ».


UN PLAIDOYER POUR LA PAIX, LA JUSTICE ET LA RECONCILIATION
Le livre se termine par un message de réconciliation :
« Et si nous mettions nos différences ensemble pour nous compléter ! Imaginez un monde sans haine, imaginez un monde plus solidaire… Imaginez un monde plein d'avenir, un monde sans trahison! 
Je sais que derrière tout cela se cache la faim. A cause de cette dernière, le peuple devient plus agressif. Je sais que dans l'abondance naitrait l'égalité, que l'homme demeure un lion sauvage et cruel parce qu'il a faim et a peur. Si nous chassons la faim et la peur, peut-être l'homme redeviendra-t-il Homme. Que chacun réussisse à s'épanouir et alors on aura conjuré cette guerre qui ravagea les nôtres ».

LA GUERRE DES NEZ AU BURUNDI est un plaidoyer pour la paix, le pardon, la réconciliation et la justice. Les jeunes auront particulièrement intérêt à le lire parce qu’ils y découvriront un témoignage de ce qui s’est vraiment passé et qu’on ne leur a jamais dit.

Cyriaque Muhawenayo a  l'art de raconter des situations indicibles avec une grande élégance et un grand sens de l’humour. Pas d'esprit de vengeance ou de haine à l'horizon. Même si sa modestie lui fait prétendre le contraire, Cyriaque Muhawenayo, journaliste de la BBC à Bujumbura, est aussi un grand écrivain, un grand humaniste.  

2 commentaires:

  1. Cet aperçu donne envie de lire ce livre qui vaut, à mon sens, la peine d'être lu

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  2. Merci Ikirundi. C'est un livre que je recommande a tous les jeunes Burundais qui ont besoin de savoir ce qui s'est vraiment passe dans les pages les plus sombres de l'histoire du Burundi.

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