Nestor Nkurunziza |
Nestor Nkurunziza, consultant
en journalisme et communication, a réagi au billet d’hier, dans lequel
des membres de la diaspora burundaise concluaient que les Burundais étaient appauvris,
affamés, ignorants, déconnectés :
« J’ignore si cette assertion vient de plusieurs personnes ou d'un seul; mais
il est difficile que tous soient tombés d'accord pour dire la même chose.
J'ignore ce que les personnes interrogées ont vu et qui ils ont interrogé eux
-mêmes ; mais pareille affirmation me semble une injure grave envers tout un
peuple pris comme une unité sans valeur. Peut-être oui, on est plus pauvre
qu'eux", peut-être oui, on n'a pas assez de hamburgers ni de Macdo, mais
puis-je leur rappeler de relire Césaire :"Ceux qui n'ont inventé ni la
poudre ni la boussole ... Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs"
! Nos papas, nos mamans, nos grands pères, qui sont aussi les leurs seraient-
ils si ignorants? Si oui, qu'ignorent-ils, qu’ignorons- nous qu'eux, ils
savent? On m'avait appris que celui qui dit "je sais ne sait rien ! Je
suis désolé, mais celui qui a dit une telle énormité devrait se demander ce
qu'il sait de nous, pauvres ignorants et déconnectés ! Je connais peu de peuples
aussi dignes que le nôtre, même dans sa pauvreté, son ignorance et sa
"déconnexion". Mais celui qui juge ne cherche pas à voir, à entendre
ni à comprendre! Il y a des jours où j'ai envie de relire Michel Kayoya; ses
écrits à côtés de l'assertion ci-haut sentent non le parfum des fleurs, mais
l'odeur de l'homme au labour, de la femme qui allaite, de la jeune fille nubile
qui s'interroge, du vieillard souriant qui raconte "Il était une
fois". Merci d'apprendre à ouvrir les yeux, les oreilles, les narines...
et surtout le cœur ».
« On n'a pas suivi la même dialectique historique et sociale. Et il y
a des étapes à franchir dans la nôtre, des contradictions que nous devons
gérer, des freins que nous devons débloquer, des habitudes à briser sans casser
la communauté, le temps de trouver le rythme et la cadence convenable... Ce
serait intéressant d'observer et d'analyser ce qui change dans cette société!
Pas toujours évident. Mais personnellement, j'observe les dynamiques sociales
dans plusieurs pays, notamment dans ceux qui nous entourent. On a moins de
ressources, moins d'ouverture sur l'océan, moins de chances de convaincre les
investissements et moins de capital historique pour créer la pitié des
bailleurs, ... un système bancaire plus prohibitif, mais je pense que nous
avons les clés en nos mains et que certains cherchent à freiner ou à
s'approprier le bien collectif, le désir de pousser, pousser la pirogue me
semble assez fort pour lutter contre les courants. Je ne parle pas des
politiciens, mais de simples gens comme vous et moi! »
« Par exemple que faisaient les autres pays quand depuis 1993 on s'entrégorgeait?
Quel pays a dû fusionner deux armées, démobiliser et réinsérer, rapatrier plus
de 500 mille réfugiés, caser près de 100 mille ménages dont les terres ont été
occupé en leur absence... quel pays a dû, pour l'intérêt de la survie de la
nation, créer des quotas ethniques dans le partage au pouvoir? Quelle énergie
prend la gestion de ce genre de contradictions et les tiraillements qu'elles
suscitent de part et d'autres? Nous allons faire de la vérité/réconciliation:
comment gérer les attentes des uns et des autres et maîtriser les frustrations,
les peurs, les jeux d'intérêt et de rapport de force que cela ne manquera pas
de susciter? Comment entre temps assurer que nous construisons des barrages
pour avoir l'énergie nécessaire à l'exploitation du nickel lorsque le FMI met
un véto à l'octroi d'un crédit bancaire d'EXIM banque de 80 millions pour faire
un barrage sur la Kaburantwa parce que nous ne pouvons encore assurer 50%
d'autofinancement pour ce barrage? Etc. Les choses ne sont pas aussi simples! Je
sais que nos journalistes ne sont pas encore assez outillés pour mettre en
perspective certains faits, certaines réalités ou dynamiques... Entre temps la
Tanzanie a découvert plus de 1200 milliards de mètre cube de gaz; le Kenya
pareil, l'Ouganda couche sur 2 milliars de barils de pétrole récent, etc. Juste
pour dire que chaque pays a ses combats et son rythme ».
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