dimanche 7 juillet 2013

Nestor Nkurunziza : « Non, les Burundais ne sont pas ignorants ! »

Nestor Nkurunziza
Nestor Nkurunziza, consultant en journalisme et communication, a réagi au billet d’hier, dans lequel des membres de la diaspora burundaise concluaient que les Burundais étaient appauvris, affamés, ignorants, déconnectés :

 « J’ignore si cette assertion vient de plusieurs personnes ou d'un seul; mais il est difficile que tous soient tombés d'accord pour dire la même chose. J'ignore ce que les personnes interrogées ont vu et qui ils ont interrogé eux -mêmes ; mais pareille affirmation me semble une injure grave envers tout un peuple pris comme une unité sans valeur. Peut-être oui, on est plus pauvre qu'eux", peut-être oui, on n'a pas assez de hamburgers ni de Macdo, mais puis-je leur rappeler de relire Césaire :"Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole ... Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs" ! Nos papas, nos mamans, nos grands pères, qui sont aussi les leurs seraient- ils si ignorants? Si oui, qu'ignorent-ils, qu’ignorons- nous qu'eux, ils savent? On m'avait appris que celui qui dit "je sais ne sait rien ! Je suis désolé, mais celui qui a dit une telle énormité devrait se demander ce qu'il sait de nous, pauvres ignorants et déconnectés ! Je connais peu de peuples aussi dignes que le nôtre, même dans sa pauvreté, son ignorance et sa "déconnexion". Mais celui qui juge ne cherche pas à voir, à entendre ni à comprendre! Il y a des jours où j'ai envie de relire Michel Kayoya; ses écrits à côtés de l'assertion ci-haut sentent non le parfum des fleurs, mais l'odeur de l'homme au labour, de la femme qui allaite, de la jeune fille nubile qui s'interroge, du vieillard souriant qui raconte "Il était une fois". Merci d'apprendre à ouvrir les yeux, les oreilles, les narines... et surtout le cœur ».

« On n'a pas suivi la même dialectique historique et sociale. Et il y a des étapes à franchir dans la nôtre, des contradictions que nous devons gérer, des freins que nous devons débloquer, des habitudes à briser sans casser la communauté, le temps de trouver le rythme et la cadence convenable... Ce serait intéressant d'observer et d'analyser ce qui change dans cette société! Pas toujours évident. Mais personnellement, j'observe les dynamiques sociales dans plusieurs pays, notamment dans ceux qui nous entourent. On a moins de ressources, moins d'ouverture sur l'océan, moins de chances de convaincre les investissements et moins de capital historique pour créer la pitié des bailleurs, ... un système bancaire plus prohibitif, mais je pense que nous avons les clés en nos mains et que certains cherchent à freiner ou à s'approprier le bien collectif, le désir de pousser, pousser la pirogue me semble assez fort pour lutter contre les courants. Je ne parle pas des politiciens, mais de simples gens comme vous et moi! »


« Par exemple que faisaient les autres pays quand depuis 1993 on s'entrégorgeait? Quel pays a dû fusionner deux armées, démobiliser et réinsérer, rapatrier plus de 500 mille réfugiés, caser près de 100 mille ménages dont les terres ont été occupé en leur absence... quel pays a dû, pour l'intérêt de la survie de la nation, créer des quotas ethniques dans le partage au pouvoir? Quelle énergie prend la gestion de ce genre de contradictions et les tiraillements qu'elles suscitent de part et d'autres? Nous allons faire de la vérité/réconciliation: comment gérer les attentes des uns et des autres et maîtriser les frustrations, les peurs, les jeux d'intérêt et de rapport de force que cela ne manquera pas de susciter? Comment entre temps assurer que nous construisons des barrages pour avoir l'énergie nécessaire à l'exploitation du nickel lorsque le FMI met un véto à l'octroi d'un crédit bancaire d'EXIM banque de 80 millions pour faire un barrage sur la Kaburantwa parce que nous ne pouvons encore assurer 50% d'autofinancement pour ce barrage? Etc. Les choses ne sont pas aussi simples! Je sais que nos journalistes ne sont pas encore assez outillés pour mettre en perspective certains faits, certaines réalités ou dynamiques... Entre temps la Tanzanie a découvert plus de 1200 milliards de mètre cube de gaz; le Kenya pareil, l'Ouganda couche sur 2 milliars de barils de pétrole récent, etc. Juste pour dire que chaque pays a ses combats et son rythme ».

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