Depuis que le Burundi est
république, il a connu beaucoup de tragédies : génocides, dictatures,
guerres civiles, régionalismes, ethnismes et beaucoup d’autres maux… Le bilan
des républiques déçoit plus d’un. Du coup, certains rêvent de retourner à la
monarchie « puisque la république nous est si difficile à vivre ». Le
roi était irremplaçable, pas même le fameux ombudsman ne peut jouer le rôle qu’il
jouait, dit-on.
Un monarchiste sur facebook
écrit :
« La monarchie au Burundi serait la meilleur manière de garder la
balance entre les problèmes ethniques tout comme en Belgique elle fédère les
wallons et les flamands. Le roi du Burundi aurait un rôle fédérateur et
symboliserait la continuité et l’unité burundaise. Ce serait une très belle
solution ».
Un Etudiant Burundais en Ouganda
a même créé un blog intitulé Le Nouveau Royaume du Burundi « dans le but de restaurer le sens de
l'honneur dans les cœurs des Burundais ». Monarchie rime avec l’honneur
perdu, qu’il faudrait restaurer.
La monarchie est rêvée, adorée,
idéalisée avec une grande dose de nostalgie. On oublie que dans ce Burundi
ancien le roi avait le droit de vie et de mort sur ses sujets. Il pouvait
confisquer les biens à qui ne lui plaisait pas, et les donner à ses courtisans.
Et bien d’autres excès encore.
Bien sur, les monarchistes
d’aujourd’hui ne rêvent pas de tels archaïsmes, mais de monarchie démocratique,
constitutionnelle, à la manière des monarchies belge, britannique ou suédoise,
mais bien sûr puisée à la source des ancêtres, des vaillants Ntare Rushatsi,
Mwezi Gisabo ou encore Ntare Rugamba.
Un jour, j’ai eu une conversation
avec un des responsables d’un parti monarchiste. Je lui ai demandé pourquoi son
parti soutenait le parti CNDD-FDD au pouvoir. Le petit prince (Rwagasore était
le grand) m’a répondu que le pouvoir de Nkurunziza est le seul qui a restitué aux familles princières
certains biens qui avaient été confisqués par les anciens régimes. J’avoue tout
de suite que cette réponse m’a déçu. Ce
qui m’a déçu, ce n’est pas le fait que son parti soutienne le CNDD-FDD pour
lequel je n’ai pas particulièrement une grande sympathie. Ni le fait que le
régime actuel aurait restitué des biens aux princes. Je pense que si des
princes ont subi des injustices (ce qui est le cas), ils doivent être remis
dans leurs droits comme tous les autres citoyens. Mais la vision, qui est de
défendre les intérêts d’une caste des seuls princes m’a semblé aussi nombriliste et potentiellement dangereuse que
les partis qui défendent les intérêts d’une seule ethnie, région, religion ou
tribu.
Sebarundi ou la monarchisation du
pouvoir présidentiel
On a aboli la monarchie, mais
certaines pratiques ou imaginaires d’inspiration monarchique persistent.
Dernièrement, on a qualifié de dérive monarchique l’habitude du président
burundais qui, quand il octroie des prix ou médailles aux « citoyens
modèles », commence toujours par son fils ou sa femme. Les autres
appelleront cela népotisme. Moi j’appelle ca erreur de jugement. En effet, dans
ce cas de figure, comme sous la monarchie, il y a une amalgame entre vie
publique et vie privée du président. Bien sur, le président comme tous les
citoyens a une famille, dont il est le bâtisseur et dont il doit s’occuper
avant, pendant et après sa carrière politique. Sous la monarchie, la vie
publique et la vie privé du monarque sont confondues, le pouvoir étant
héréditaire et toute la famille royale étant appelée à gérer les affaires du
royaume. En république, le bon sens veut que le président gratifie sa famille
en privé et laisse aux autres le soin d’admirer ses bonnes œuvres en publiques.
Ceci dit, aucune loi n’empêche aux membres de la famille présidentielle d’être
remerciés pour leurs actes s’ils le méritent.
Mais le plus monarchique par
excellence, à mes yeux, c’est le titre Sebarundi (le père des Burundais) qu’on
donne à l’occasion au président de la république. Il sonne faux à mes oreilles.
Il est le symbole d’un paternalisme qui est, à mes yeux, à la base de beaucoup
de dégâts. La majorité des pères de famille de mon pays que je connais gèrent leur foyer d’une main de fer, je veux
dire de manière la plus antidémocratique possible. Les enfants n’ont pas droit
à la parole. Quand le père donne un ordre, les enfants doivent exécuter sans
poser de questions. Quand le père dit de fermer sa gueule, les enfants doivent
la fermer. Prendre le président de la république pour un père des Burundais
signifierait l’infantilisation des citoyens qui devraient s’asseoir et laisser
leur père-président décider ce qui est
bien ou mauvais pour eux. La seule
vérité et la seule parole valable deviendrait
celle du président. Et l’opposition serait damnée, considérée comme le
Fils Perdu ou la brebis égarée qui doit choisir entre disparaitre (en
clandestinité ou en exil) ou retourner
dans l’enclos se repentir auprès du père. Ou alors être punie pour ce manqué de
loyauté au père (ce qu’on appelle entre nous violation des droits de l’homme).
Pour moi, le président n’est pas le père des Burundais, il a le mandat du
peuple, il est leur serviteur et il doit rendre des comptes.
Tout cela pour dire que la
monarchie burundaise, ou ce qui en reste, n’a jamais été aussi parfaite que ses
partisans veulent le faire croire.
Rien donc ne permet d'idéaliser
la monarchie, elle n'est ni meilleure ni pire que la république. Il y a de
bonnes monarchies et des monarchies chiantes. Il y a des monarchies démocratiques,
constitutionnelles, qui marchent aussi bien que les républiques démocratiques. Et
il y a des monarchies aussi réactionnaires et dictatoriales que certaines républiques
bananières. Tout dépend de la culture politique. Alors, pour être franc, je ne
crois pas que la monarchie au Burundi serait meilleure. Les rivalités et
conflits ethniques qui nous ont menés là où nous sommes ont commencé encore
sous la monarchie. Cette histoire de Mirerekano, par exemple, montre que les
ethnismes avaient déjà commencé bien avant la république et rien ne montre qu’
en gardant le roi les tragédies qui ont endeuillé le Burundi n'auraient pas eu
lieu.
Le Burundi ne reviendra pas en arrière.
La meilleure façon de sauver le pays est de consolider les institutions républicaines.
Notre pays a été détruit par des hommes prétendument forts qui se moquaient et
continuent à se moquer du bon sens et des lois. Si je me permets de paraphraser
Obama, "le Burundi n'a pas besoin d'hommes forts, il a besoins
d'institutions fortes". Qui dit institution forte dit la primauté de la
loi, l'Etat de droit, où les Rwembe, les assassins de Manirumva, de Ndadaye, de
Ntare V, et de plusieurs milliers de Burundais pourront être traduits en
justice et purger la peine qu'ils méritent. Où ceux qui détournent les deniers
publics seront punis comme des criminels qui assassinent nos concitoyens par la
faim. Nous voulons un Burundi nouveau, une république où personne ne sera plus
au dessus de la loi.
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